Dans un climat régional sous tension, où la question palestinienne oscille entre engagement émotionnel et calcul diplomatique, Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), a choisi d’assumer pleinement une position controversée.
En dénonçant avec virulence les critiques adressées à la participation de dirigeants du Hamas à la conférence nationale du parti, il soulève une interrogation lourde de sens : la solidarité avec la Palestine est-elle encore possible sans concessions ni doubles discours ?
Lors de la réunion de la direction du parti islamiste, Benkirane a fustigé ce qu’il a appelé une « impudeur » croissante dans les milieux politiques et associatifs marocains.
« On peut bien contester notre congrès pour d’autres raisons… mais pour avoir invité le Hamas ? C’est une honte », a-t-il lancé, en écho à une requête adressée au ministère de l’Intérieur par une ONG des droits humains, exigeant l’interdiction de l’événement.
Au-delà de la rhétorique passionnée, se pose une question politique : jusqu’où peut aller le Maroc officiel et officieux dans la gestion de son image internationale sans paraître trahir un engagement historique envers la Palestine ?
En saluant « le combat et les martyrs » du Hamas, Benkirane franchit une ligne rouge symbolique. Il affirme que ce mouvement « a renversé les équilibres » dans le conflit israélo-palestinien, soulignant son rôle dans les récents affrontements.
Pour ses détracteurs, cette déclaration pourrait passer pour une glorification d’un acteur que plusieurs capitales occidentales classent comme organisation terroriste. Pour ses partisans, c’est un acte de fidélité à un récit de résistance.
À propos de la situation à Gaza, Benkirane a utilisé des mots forts pour dénoncer l’impunité israélienne :
« Netanyahu a une capacité effrayante à tuer, affamer et assoiffer un peuple entier… et le monde se tait. »
Mais le silence, selon lui, ne peut être une option pour le Maroc. Il met même en garde contre toute participation indirecte à l’effort de guerre israélien, même logistique :
« Il est inconcevable que notre pays permette à des navires d’être ravitaillés alors qu’ils transportent des armes contre les Palestiniens… Ce n’est ni légal, ni religieux. »
Le plus marquant reste sans doute son appel direct au roi Mohammed VI, en tant que président du Comité Al-Qods et Commandeur des croyants, pour intensifier les efforts en faveur de la Palestine :
« Les actions en cours sont insuffisantes, il faut le reconnaître avec lucidité. »
➤ Analyse implicite :
Le discours de Benkirane ouvre une brèche dans le consensus politique marocain autour de la Palestine. Non pas sur le fond — le soutien à la cause est largement partagé — mais sur les formes, les équilibres diplomatiques, et surtout, les limites du tolérable dans un pays engagé dans une normalisation avec Israël.
Alors, est-ce une sortie populiste ou une mise à nu d’un malaise plus profond dans la politique étrangère marocaine ? Le débat ne fait que commencer.