Dans un geste à multiples lectures, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a nommé l’ancien ambassadeur Amar Abba en tant que conseiller diplomatique « spécial », après six ans de vacance du poste, et ce, à un moment où la pression régionale et internationale sur l’Algérie ne cesse de s’intensifier. Un acte en apparence administratif, mais qui trahit une inquiétude croissante de l’Algérie face aux transformations rapides, notamment dans l’espace sahélien où les équilibres d’influence basculent.
Mais qu’est-ce qui a réellement poussé Alger à réactiver ce poste à ce moment précis ?
La nomination d’Amar Abba reflète-t-elle une prise de conscience géostratégique sérieuse ou simplement un « réajustement interne » de façade de sa politique étrangère ?
Qui est Amar Abba ? Et pourquoi maintenant ?
Le retour d’Amar Abba, diplomate chevronné ayant occupé des postes en Russie, au Royaume-Uni et en Biélorussie, indique que l’Algérie cherche à mobiliser une expertise traditionnelle face à un monde en mutation rapide. Fait notable, Abba n’est pas qu’un homme de terrain : il est aussi l’auteur d’un ouvrage intitulé « La diplomatie algérienne 1962-2022 », dans lequel il distingue clairement la politique étrangère en tant que choix stratégique, et la diplomatie comme appareil exécutif.
Mais ici, une question fondamentale s’impose :
L’Algérie a-t-elle besoin de renforcer son appareil diplomatique ou de réviser ses choix stratégiques ?
Autrement dit, le problème réside-t-il dans l’exécution ou dans la vision même ?
Le Maroc étend son influence… et les pays du Sahel s’alignent
En parallèle, les ministres des Affaires étrangères de la Confédération des États du Sahel – Mali, Niger, Burkina Faso – ont salué le soutien du Maroc lors du Forum Crans Montana à Casablanca, marquant une reconnaissance claire du leadership marocain dans la région.
Lorsque le ministre malien Abdoulaye Diop qualifie l’initiative royale de connecter les pays du Sahel à l’océan Atlantique de « pas stratégique en phase avec les aspirations régionales », le message est double : il s’agit d’un hommage au Maroc, mais aussi d’une critique implicite du recul algérien.
Le Maroc devient-il le partenaire prioritaire pour ces États ?
Et dans quelle mesure ce basculement reflète-t-il un désenchantement vis-à-vis du rôle algérien jugé rigide ou dépassé ?
Une divergence de visions : Rabat propose l’ouverture, Alger répond par des expulsions
Alors que Rabat avance avec une initiative intégratrice axée sur la coopération économique, Alger accumule les tensions : de l’incident du drone abattu par l’armée malienne aux expulsions massives de migrants vers le Niger, la diplomatie algérienne semble enfermée dans une logique de crispation.
L’Algérie a-t-elle perdu son « capital symbolique » dans la région sahélienne ?
Est-elle en train de pousser ces pays à se rapprocher du Maroc, vu comme un acteur plus pragmatique et moins paternaliste ?
Crise de l’Algérie au Sahel : déficit d’outils ou crise de vision ?
L’observateur attentif des actions algériennes dans le Sahel perçoit une approche sécuritaire traditionnelle, méfiante, parfois réactive, là où le Maroc privilégie une stratégie économique, collaborative et transversale.
Sommes-nous face à deux grilles de lecture géopolitiques irréconciliables ?
Rabat conçoit la région comme un espace de complémentarité qu’il faut relier aux marchés mondiaux via l’Atlantique ; Alger, en revanche, semble prisonnière d’un logiciel stratégique hérité d’une autre époque.
Dans ce contexte, la question n’est plus seulement de savoir qui mène la danse diplomatique au Sahel, mais plutôt :
Quel modèle de coopération régionale gagnera l’adhésion des peuples et des dirigeants ?
