Entre Aveux Chocs et Positions Politiques : Le Discours de Ouahbi Marque-t-il un Tournant ?
Lors d’une intervention marquante à la séance d’ouverture du deuxième congrès international anglo-saxon sur le « Droit du travail et la diversité », tenu à Marrakech, Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, a livré un discours aux accents surprenants. Mélangeant auto-dérision, critiques voilées et plaidoyer pour des réformes, ses déclarations ont soulevé de nombreuses interrogations sur l’orientation politique et juridique du Maroc.
Un aveu surprenant ou une provocation calculée ?
« J’ai exercé la profession d’avocat pendant environ 33 ans. Après toutes ces années à plaider devant les tribunaux, on m’a fait ministre. Soit parce que j’étais un avocat raté, soit parce qu’on voulait se débarrasser de moi… » a-t-il déclaré d’un ton ironique.
Un aveu d’échec ou une simple provocation ? Ce type de déclaration, rarement entendu dans la bouche d’un ministre, jette un éclairage particulier sur la perception qu’a Ouahbi de son propre parcours politique et sur les défis inhérents à sa fonction.
Des réformes sous haute tension
Le ministre n’a pas hésité à évoquer des chantiers sensibles : la révision des codes de procédure civile et pénale, l’introduction de sanctions alternatives et, surtout, la réforme du statut de la femme au Maroc. « Cette réforme est pour moi un combat de vie ou de mort », a-t-il affirmé, soulignant l’importance des avancées sociales et économiques des femmes et la nécessité de leur accorder des droits équitables.
Toutefois, cette prise de position lui a valu des critiques virulentes : « Certains m’ont exclu de la sphère religieuse, d’autres m’ont traité d’ennemi des traditions… » a-t-il ajouté, illustrant ainsi les tensions qui entourent ce débat.
Un tournant vers le modèle anglo-saxon ?
L’un des passages les plus remarqués de son discours concerne le modèle juridique du pays. « Nous appliquons un système romano-germanique, alors que vous (les pays anglo-saxons) en adoptez un autre. Peut-être faut-il un système hybride qui tirerait le meilleur des deux modèles. »
Dans cette optique, Ouahbi a annoncé que l’Institut des avocats, dont l’ouverture est prévue l’année prochaine, intégrera l’approche anglo-saxonne dans sa formation. Un changement qui pourrait avoir des implications profondes sur la pratique du droit au Maroc.
Droits de l’Homme : Un constat alarmant
Le ministre a également exprimé ses inquiétudes quant au recul des droits de l’Homme à l’échelle mondiale, notamment en ce qui concerne les réfugiés et les minorités. « Nous voulons avancer vers un monde de droits et de libertés, mais nous constatons un déclin inquiétant dans ces domaines », a-t-il averti.
Ce constat l’a conduit à critiquer l’attitude des pays occidentaux vis-à-vis des migrants : « Pourquoi cherchez-vous à recruter nos ingénieurs, médecins et journalistes, tout en refusant aux autres le droit d’améliorer leur niveau de vie ? » Une interrogation qui met en lumière ce qu’il qualifie de « discrimination cognitive ».
Vers une réforme réelle ou un simple effet d’annonce ?
Les déclarations de Ouahbi oscillent entre reconnaissance des dysfonctionnements et promesses de réforme, tout en posant de nombreuses questions sur leur mise en œuvre effective. Ces propos marquent-ils le début d’une transformation profonde ou restent-ils un simple exercice de communication politique ?
Le véritable enjeu réside désormais dans la capacité du gouvernement à traduire ces idées en réformes concrètes, et non en simples discours de circonstance.