Un précédent reportage de Maghreb Maintenant a éveillé la conscience des responsables marocains après avoir révélé la souffrance de plus de 1500 pèlerins marocains restés bloqués pendant plusieurs jours à l’aéroport de Djeddah, dans des conditions inhumaines, dépourvues des besoins les plus élémentaires de dignité. Ces cris de détresse capturés par les téléphones et caméras des pèlerins n’étaient pas de simples plaintes passagères, mais de véritables appels à l’aide humaine bouleversants. Le reportage, s’appuyant sur des témoignages directs, a exposé le drame de familles entières piégées dans un engrenage d’abandon et de mauvaise gestion.
Ce travail journalistique n’a pas seulement rapporté les faits, il a représenté un cri professionnel percutant qui a secoué l’opinion publique et réveillé les consciences officielles, provoquant une vague de réactions, dont un communiqué explicatif du consulat marocain à Djeddah. Néanmoins, ce communiqué, bien qu’il tente d’apaiser les esprits, ouvre la voie à de nombreuses interrogations : qui porte la réelle responsabilité de cette crise ? Pourquoi continuer à programmer de nouveaux vols pour d’autres pèlerins, alors que ceux ayant terminé leurs rites depuis des semaines n’ont toujours pas pu rentrer ? Les explications officielles suffisent-elles à effacer les contours d’une souffrance prolongée entre Djeddah et La Mecque ?
Une simple explication suffit-elle ?
Dans son communiqué, le consulat général du Maroc à Djeddah affirme suivre la situation « avec rigueur et continuité », en coordination avec les autorités saoudiennes et la compagnie aérienne « Manasik », afin d’accélérer le processus de retour des pèlerins « dans les meilleurs délais, dans des conditions préservant leur dignité ».
Mais une question essentielle demeure : où étaient ces efforts avant que l’affaire ne devienne une cause d’opinion publique ? Pourquoi aucune mesure préventive n’a-t-elle été prise pour éviter une telle désorganisation ?
La compagnie aérienne au cœur de la tempête… et les agences de voyages ?
Le communiqué attribue la responsabilité directe à la compagnie aérienne à bas coût, déclarant qu’elle n’était « pas équipée pour gérer un si grand nombre de pèlerins », qu’elle manquait d’un plan d’urgence, et qu’elle n’avait pas informé les passagers des annulations ou retards de vols, provoquant ainsi une grande confusion.
Cependant, cette position soulève d’autres interrogations :
Les agences de voyages marocaines partenaires n’avaient-elles pas le devoir de garantir un minimum de qualité et de fiabilité ?
Quel rôle ont joué le ministère du Tourisme et les instances de régulation dans l’évaluation de la capacité de ces compagnies avant de signer des contrats ?
Des engagements non respectés : manque de coordination ou mépris des citoyens ?
Le communiqué rappelle que la compagnie aérienne avait pris, lors d’une réunion officielle en présence de représentants du ministère du Hajj et de l’Aviation civile, ainsi que du consulat marocain, l’engagement de programmer des vols supplémentaires et d’assurer l’hébergement et la nourriture des pèlerins bloqués.
Mais ces engagements, selon le consulat, n’ont pas été respectés. Pire, plus de 1500 nouveaux pèlerins ont été ajoutés aux rotations sans qu’un plan de retour ne soit mis en place pour ceux déjà bloqués.
Cela traduit-il un dysfonctionnement de coordination ? Ou s’agit-il d’un mépris commercial flagrant à l’égard des citoyens ?
Et surtout : des suites juridiques ou diplomatiques sont-elles envisageables à l’encontre de la compagnie ?
Une réaction diplomatique… mais trop tardive ?
Le consulat conclut son communiqué en réaffirmant son engagement à suivre la situation « sur le terrain » jusqu’à son dénouement, appelant à « l’union des efforts et à la responsabilité partagée ».
Mais une autre question plane : cette crise aurait-elle pu être évitée avec une meilleure anticipation ?
Sera-t-elle l’occasion d’une révision sérieuse des modalités de contrat entre l’État, les agences de voyages et les compagnies aériennes, en particulier en période de Hajj et Omra ?
« Maghreb Maintenant » : un journalisme qui secoue les silences
Il serait injuste d’ignorer l’impact du reportage de Maghreb Maintenant, qui a mis en lumière cette crise en relayant des témoignages bouleversants de victimes de négligence, poussant les institutions à réagir.
Ce cas illustre le rôle fondamental du journalisme dans sa mission de veille et de défense des droits humains. Mais il soulève une autre question de fond : où était la presse officielle ? Pourquoi ce vide a-t-il été comblé par la douleur des oubliés ?
Conclusion :
Le communiqué explicatif du consulat était nécessaire, certes. Mais il ne suffit pas à exonérer les autres parties impliquées. Une réponse structurelle s’impose, pour que le drame de Djeddah ne se reproduise plus.