Dans une publication remarquée sur sa page Facebook, le journaliste Younes Masskine s’est alarmé de ce qu’il considère comme un « lavage de cerveau » auquel serait soumis une partie de l’opinion publique marocaine.
Il critique des voix qu’il accuse de promouvoir une « normalisation affective et intellectuelle » avec Israël, au détriment de la cause palestinienne, en s’appuyant sur de nouvelles « évidences » qui gagneraient du terrain dans le débat public.
Ce post s’inscrit dans une position claire de rejet de toute proximité, politique ou culturelle, avec Israël.
Masskine exprime ainsi une opposition de principe à la normalisation, mais cette prise de position, aussi légitime soit-elle dans un contexte pluraliste, soulève des questions fondamentales sur les nouvelles orientations diplomatiques du Maroc et les limites de la critique dans une démocratie en mutation.
Entre Poutine et Rabat : les États pensent-ils uniquement en termes d’ »appartenance » ?
En citant Vladimir Poutine, qui justifie sa position équilibrée entre Israël et l’Iran par la présence de deux millions de citoyens israéliens d’origine soviétique, Masskine semble rejeter l’idée que le Maroc puisse fonder sa diplomatie sur des considérations similaires. Pourtant, est-il illégitime que l’État marocain tienne compte de l’existence d’une importante communauté judéo-marocaine en Israël ? Faut-il nier cet ancrage historique et culturel lorsqu’il s’agit de définir une politique étrangère souveraine ?
La citoyenneté à deux vitesses : acceptée pour les musulmans, critiquée pour les juifs ?
L’un des paradoxes du discours antinormalisation — tel que révélé dans cette publication — est l’asymétrie dans la reconnaissance de la double nationalité. Aujourd’hui, plus de six millions de Marocains musulmans vivent à l’étranger et possèdent une double nationalité, sans que leur loyauté envers le Maroc soit remise en question. Au contraire, ils sont perçus comme des ambassadeurs naturels du Royaume.
En revanche, lorsqu’un Marocain juif vivant en Israël conserve sa nationalité marocaine, certains l’accusent aussitôt de trahison ou d’allégeance à une « entité ennemie ». Pourquoi donc deux poids, deux mesures ? La nationalité serait-elle religieuse ?
Le Maroc, fidèle à son histoire millénaire, n’a jamais renié son identité plurielle. La réhabilitation des synagogues, l’intégration de la culture juive dans les manuels scolaires, et les discours royaux insistant sur le rôle du judaïsme marocain témoignent d’une volonté d’unité nationale inclusive, loin des lectures binaires.
De l’interprétation à la confrontation : quelle presse pour quelle démocratie ?
Le post de Masskine met en lumière de véritables mutations dans la perception politique et géostratégique au sein de la société marocaine. Mais il semble les aborder davantage avec inquiétude qu’avec esprit d’analyse. Or, la relation maroco-israélienne ne devrait pas être analysée en termes manichéens : elle s’inscrit dans une logique de réalisme diplomatique au service de l’intérêt supérieur de la nation, sans renier l’attachement traditionnel à la cause palestinienne.
Conclusion
Nul ne détient le monopole du patriotisme. La normalisation — qu’on y adhère ou non — fait partie d’une dynamique étatique souveraine. Et la presse, si elle veut rester l’expression d’une conscience vivante, se doit d’examiner ces évolutions avec lucidité, nuance et responsabilité. Non dans la diabolisation, mais dans l’analyse. Non dans le rejet, mais dans la compréhension.
Note importante :
Cette analyse ne constitue ni un jugement juridique ni une adhésion à une version contre une autre. Il s’agit d’une lecture journalistique d’une affaire relevant de l’espace public et du débat démocratique.
