Le citoyen marocain entre le marteau des prix et l’enclume de l’indifférence
Alors que le citoyen marocain subit une flambée sans précédent des prix des produits de première nécessité, la question des prix des carburants refait surface. Ces derniers constituent un pilier fondamental de la vie quotidienne des ménages et des travailleurs dans les secteurs du transport, de l’agriculture et de l’industrie. Tandis que les prix du pétrole brut fluctuent à l’échelle mondiale, le Maroc demeure prisonnier d’une politique de libéralisation des prix adoptée depuis 2016, ouvrant ainsi la voie à des profits colossaux pour les intermédiaires et les importateurs, au détriment du pouvoir d’achat des Marocains.
Ce rapport repose essentiellement sur les données et estimations contenues dans la dernière déclaration de Hussein Yamani, secrétaire général du Syndicat National du Pétrole et du Gaz et président du Front National pour la Sauvegarde de la Raffinerie Marocaine de Pétrole, adressée à l’opinion publique en avril 2025.
Quelle est la réalité de ces profits ? Le gouvernement peut-il intervenir pour stopper cette hémorragie ? Et quelles sont les alternatives pour sauver la seule raffinerie du pays, « Samir », et rétablir l’équilibre du marché énergétique ?
1. Écart entre prix international et prix de vente : Où vont les profits ?
Selon l’analyse de Hussein Yamani, les prix actuels des carburants au Maroc ne reflètent pas le coût réel d’importation, mais représentent des « profits excessifs » pour les acteurs dominants du marché.
- Diesel (Gasoil) : Selon la déclaration, le prix international à la deuxième moitié d’avril 2025 était d’environ 4,87 dirhams par litre. En appliquant l’ancienne formule (prix international + frais + taxes + marge raisonnable), le prix pour le consommateur ne devrait pas dépasser 9,09 dirhams, alors que la réalité dépasse ce montant.
- Essence (Super) : Son prix international avoisinait 4,63 dirhams, et ne devait pas dépasser 10,59 dirhams, mais est vendu à un tarif bien plus élevé.
Question clé : Qui profite de ces écarts ? Et pourquoi ces profits ne sont-ils pas soumis à un contrôle rigoureux ?
2. Marges bénéficiaires au Maroc vs. reste du monde : Pourquoi un tel écart ?
Yamani souligne que la marge bénéficiaire des opérateurs au Maroc dépasse 20 % du prix final, contre seulement 5 % dans les pays où règnent des conditions de concurrence réelle.
Question : Le Maroc peut-il continuer à être une exception en matière de libéralisation des prix sans mécanismes de régulation pour protéger le consommateur ?
1. Fermeture de « Samir » : Décision catastrophique ou stratégie délibérée ?
Hussein Yamani considère que la fermeture de la raffinerie de Samir n’était pas une décision économique neutre, mais l’une des causes principales de l’augmentation des prix et de la perte de souveraineté énergétique. La raffinerie couvrait une partie significative des besoins nationaux.
Question : Pourquoi la reprise du raffinage n’a-t-elle pas été envisagée ? Et qui tire profit de la dépendance du Maroc aux produits raffinés importés ?
2. Libéralisation des prix : Liberté du marché ou liberté d’exploiter ?
Depuis 2016, selon Yamani, le gouvernement a totalement libéralisé les prix des carburants, se privant ainsi de ses outils d’intervention. Pendant ce temps, des pays comme la France et l’Espagne continuent à protéger leurs citoyens en période de crise.
Est-il encore justifiable de maintenir ce modèle malgré ses conséquences économiques et sociales ?
3. Le pétrole russe : Une opportunité manquée
Yamani estime que le Maroc n’a pas profité des opportunités offertes par la crise ukrainienne pour acheter du pétrole russe à prix réduit, probablement pour des raisons politiques ou sous pression extérieure.
Est-il logique que le pragmatisme économique soit absent des décisions énergétiques à un moment aussi critique ?
- Annuler la libéralisation totale des prix et revenir à une formule de régulation souple permettant à l’État d’intervenir en cas de crise ;
- Revoir à la baisse les taxes sur les carburants, qui pèsent lourdement sur les prix finaux ;
- Relancer la raffinerie de « Samir » pour diminuer la dépendance aux importations de produits raffinés ;
- Réformer le cadre juridique du secteur de l’énergie afin de garantir plus de transparence et une meilleure adaptabilité aux défis internationaux et régionaux.
Mais la véritable question demeure : Existe-t-il une volonté politique pour adopter ces réformes ? Ou les lobbies des hydrocarbures sont-ils trop puissants pour être défiés ?
Face à un modèle énergétique opaque, à des prix artificiellement élevés et à une absence de stratégie nationale crédible, le citoyen marocain paie le prix fort. Tant que les recommandations d’acteurs comme Hussein Yamani resteront lettre morte, il sera difficile de sortir de cette spirale d’injustice énergétique.