La récente condamnation du journaliste Hamid El Mahdaoui à un an et demi de prison, assortie d’une amende jugée exorbitante, a suscité une vive émotion au sein des cercles médiatiques et des défenseurs des droits humains. C’est dans ce contexte que le journaliste Younes Miskine a publié une tribune engagée, qui appelle à un sursaut collectif. Mais au-delà de la charge émotionnelle, cette tribune mérite d’être lue avec un regard critique sur sa structure, ses intentions, et surtout sur sa portée réelle dans le débat public.
1. Contexte de publication :
La tribune de Miskine intervient à un moment clé : celui de l’examen par le gouvernement de nouveaux projets de loi sur la presse et l’édition. Ce contexte aurait pu justifier une analyse posée du cadre juridique de la liberté d’expression au Maroc. Or, l’auteur opte pour une approche fortement militante, où la dénonciation morale prend le pas sur l’analyse institutionnelle.
2. Construction du texte : de l’indignation à la généralisation
Le texte glisse rapidement de la défense du journaliste condamné à une dénonciation globale du système judiciaire et politique :
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Recours massif à des expressions telles que : « justice sélective », « outil de vengeance », « pays sans rêve ni projet », etc.
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Absence totale de la version ou des arguments de la partie plaignante (le ministre concerné).
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Comparaisons historiques avec des cas de monarques antérieurs (Hassan II, Mohammed VI), décontextualisées et idéalisées.
3. Ce que le texte ne dit pas :
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Pas de rappel factuel du dossier Mahdaoui : sur quelles bases a-t-il été poursuivi ? Quelle est la nature des propos incriminés ?
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Aucune interrogation sur les limites entre opinion personnelle et responsabilité journalistique.
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Silence sur le cadre légal actuel, les recours possibles ou les pistes de réforme.
4. Public visé et tonalité du message :
Le texte s’adresse principalement à un lectorat déjà acquis à la cause de la liberté de la presse. Mais en optant pour une rhétorique accusatrice, Miskine ferme la porte à tout dialogue constructif avec les institutions. Le texte devient alors un cri du cœur, plus qu’un outil d’influence stratégique.
5. Style et rhétorique : entre émotion et déséquilibre
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Le langage est plus proche du pamphlet politique que de l’éditorial journalistique.
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L’auteur abandonne toute distance critique vis-à-vis de l’objet traité, au risque de perdre en crédibilité.
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L’absence de suggestions concrètes renforce le caractère plaintif du texte, au détriment d’un plaidoyer structuré.
6. Conclusion de Le Maroc Maintenant : une colère légitime, mais un message affaibli
La tribune de Younes Miskine est un signal d’alarme sincère. Mais en négligeant les exigences de rigueur, de contextualisation et d’équilibre, elle risque de desservir la cause même qu’elle défend. À l’heure où la presse marocaine a besoin d’alliés, de propositions et de réformes, elle ne peut se permettre de réduire le débat à des oppositions binaires.
📌 Note éditoriale de la rédaction de Maroc Maintenant
« À Maroc Maintenant, notre lecture critique des tribunes et articles publiés dans d’autres médias ne procède ni d’une hostilité personnelle, ni d’un esprit d’accusation ou de confrontation. Elle s’inscrit dans une démarche journalistique responsable, fondée sur l’analyse, la contextualisation et le décryptage du discours public. Loin de toute subjectivité ou intention polémique, nous assumons notre rôle de média d’interprétation, qui cherche à contribuer à un débat public éclairé, en décortiquant ce qui est dit, ce qui est tu, et ce que cela peut signifier pour l’opinion. Nous croyons en une presse critique qui construit, questionne, et nourrit l’intelligence collective. »