Festival Mawazine entre l’éclat de Sherine et la controverse publique : Qui décide ? Qui est concerné ? Qui en bénéficie ?
Enquête sur la performance, l’organisation et la gouvernance culturelle au Maroc
La soirée de clôture du festival « Mawazine Rythmes du Monde » 2025, animée par la chanteuse égyptienne Sherine Abdel Wahab sur la scène Nahda à Rabat, a déclenché une vive polémique, passant des réseaux sociaux aux discussions politiques et culturelles. Alors que la participation a dépassé les 200 000 spectateurs, les véritables questions dépassent la seule performance artistique pour toucher au coeur des mécanismes de gestion des grands événements culturels au Maroc : qui choisit les artistes ? Qui assume l’organisation ? Et qui rend des comptes quand un événement artistique vire à la déception collective ?
Performance artistique ou défaut d’organisation ?
De nombreuses critiques ont visé Sherine pour son recours au playback durant plusieurs morceaux, poussant une partie du public à scander : « Ta voix… ta voix » avant de quitter la scène en signe de protestation. Des absences répétées de la chanteuse sur scène et une interaction jugée faible avec le public ont été relevées par plusieurs observateurs.
En contrepoint, le médecin personnel de Sherine, Dr. Nabil Abdel Maqsoud, a déclaré dans les médias : « Sherine est en bonne santé, elle ne souffre d’aucun trouble physique ou psychologique. Mais la pression médiatique et la critique excessive mettent à mal les artistes. »
Qui est responsable du mauvais casting ?
Le cas Sherine révèle l’absence de critères clairs pour évaluer la préparation psychologique et artistique des artistes participant à des événements de l’ampleur de Mawazine. Ce qui soulève une question de gouvernance : la commission d’organisation applique-t-elle des standards professionnels ? Prend-elle en compte les conditions personnelles des artistes ?
"فضيحة البلاي باك تهز حفل شيرين! جمهورها يثور بعد كشف 'الغش الفني'!" pic.twitter.com/JDdRKFjGRL
— المغرب الآن Maghreb Alan (@maghrebalaan) June 30, 2025
L’artiste marocaine Najat Rajoui a déclaré : « J’aime Sherine, mais chanter sans âme nuit à son image et à celle du festival. Son entourage aurait dû la conseiller de reporter sa prestation jusqu’à ce qu’elle se sente mieux. »
Sherine… star ou victime ?
Malgré la vague de critiques, de nombreux artistes et fans ont défendu Sherine, affirmant que le playback est courant dans les grands concerts et que l’artiste traverse une période difficile. Le journaliste marocain Fahd El Hashemi, lui, a estimé que « seules ses anciennes chansons et la compassion pour ses crises personnelles maintiennent Sherine en lumière. Mawazine mérite une artiste présente physiquement et artistiquement. »
Des chiffres sans transparence ?
Malgré les annonces d’une affluence de plus de 200 000 personnes, aucun chiffre officiel n’a été publié par l’organisation concernant le taux de satisfaction, les plaintes ou l’audit du budget du festival. Ce manque de transparence pose la question de la gestion des fonds publics et des subventions.
Faut-il repenser le modèle culturel ?
La controverse autour de Sherine reflète une crise plus profonde dans la gestion de l’action culturelle au Maroc : absence d’évaluation, faible écoute du public, et répétition des erreurs d’organisation dans des festivals financés partiellement par de l’argent public.
En conclusion, ce qui s’est passé sur la scène de Nahda n’est pas une simple maladresse artistique. C’est une opportunité pour repenser qui décide au nom de l’art, qui rend des comptes, et qui marginalise la voix du public au profit de logiques organisationnelles étroites. Le festival Mawazine, de par sa portée symbolique, mérite plus qu’un succès de foule : il exige transparence, responsabilité et équilibre entre programmation artistique et respect du public.