Le rideau est tombé sur la 3e édition du Festival du film marocain court tourné par mobile, dans une ambiance festive mêlant musique, humour et, surtout, célébration de la créativité d’une jeunesse marocaine audacieuse et connectée. Un événement qui, bien au-delà de sa dimension compétitive, soulève des interrogations de fond sur l’évolution de la création cinématographique à l’ère du numérique.
Et si le cinéma n’était plus l’apanage des élites techniques ?
Aujourd’hui, il suffit d’un téléphone portable, d’un regard personnel, et d’un minimum de montage pour raconter une histoire. Cette démocratisation de l’image rebat les cartes du pouvoir narratif et ouvre une brèche dans le mur des conventions artistiques. Le festival, qui a reçu plus de 180 candidatures issues de tout le Maroc, en est une illustration éclatante.
Mais quelle lecture stratégique peut-on faire d’un tel événement ?
D’abord, il s’agit là d’une réappropriation populaire de l’outil cinématographique, dans un pays où la production audiovisuelle reste encore centralisée et parfois déconnectée des réalités locales. Ces jeunes, souvent issus de régions peu couvertes par les circuits classiques de diffusion, prennent la parole, dénoncent, interrogent, racontent… avec des moyens modestes mais des idées puissantes.
Ensuite, ce festival révèle l’émergence d’une nouvelle grammaire visuelle marocaine, spontanée, directe, souvent émotive, qui puise autant dans le quotidien que dans les enjeux globaux : migration, identité, environnement, inégalités… Autant de thèmes abordés dans des formats courts mais percutants, à l’image du film lauréat Procrastination Party de Toufiq Masoudi.
Le numérique comme levier d’inclusion culturelle ?
C’est peut-être là le véritable message de cette initiative : le cinéma devient un outil d’inclusion, non seulement sociale, mais aussi territoriale et générationnelle. Il donne la parole à ceux qui ne l’ont pas. Il transforme l’objet du divertissement – le smartphone – en instrument d’émancipation artistique.
Ce type de manifestation pose ainsi une question cruciale aux politiques publiques : le Maroc est-il prêt à accompagner cette révolution silencieuse ? Quelle place pour les écoles, les instituts, les maisons de culture dans l’accompagnement de ces jeunes créateurs ? Quelle stratégie nationale pour faire de cette dynamique un moteur de transformation culturelle ?
À travers son soutien au festival, la Fondation BMCI donne un signal fort. Mais pour aller plus loin, il faudra une volonté politique affirmée, intégrant la création mobile dans les politiques de formation, de financement, et de diffusion.
Et si, au fond, la vraie innovation ne résidait pas dans la technologie, mais dans la capacité des jeunes Marocains à raconter leur monde autrement ? Un monde filmé à hauteur d’homme, où l’instantané devient mémoire, et l’image, résistance.