À l’heure où les valeurs se croisent avec la politique, et où les débats sur la normalisation et la liberté d’expression s’intensifient, un échange indirect mais significatif a opposé le Secrétaire général du Mouvement Populaire, Mohamed Ouzzine, à l’acteur associatif et militant Aziz El Hanawi. Ce différend n’était pas anodin : il reflète la tension persistante entre la légitimité institutionnelle et la légitimité civique informelle.
Lors d’une séance parlementaire de questions au chef du gouvernement, Ouzzine a affirmé que « le soutien aux causes justes ne doit pas servir de prétexte à l’anarchie et au désordre », une déclaration interprétée comme une critique implicite envers certaines manifestations pro-palestiniennes. Une sortie qui n’a pas manqué de faire réagir El Hanawi, qui y a vu une tentative de restreindre la voix de la rue et de conditionner la solidarité populaire.
Deux légitimités en tension
En arrière-plan de cette controverse, se pose une question de fond dans le paysage marocain : comment concilier la légitimité d’un pouvoir élu, garant de l’intérêt national, avec celle d’un activisme civil qui reflète l’émotion populaire et les attentes citoyennes ?
Mohamed Ouzzine, politicien expérimenté, s’est exprimé du point de vue du gardien des constantes nationales, dénonçant ce qu’il perçoit comme une instrumentalisation des causes nobles et une lecture à géométrie variable du patriotisme. Pour lui, le nationalisme ne s’exprime pas uniquement dans la rue, mais aussi dans l’équilibre des positions, la préservation de la stabilité et le respect des institutions.
Face à lui, Aziz El Hanawi, en tant que représentant d’un observatoire opposé à la normalisation, a lu l’intervention parlementaire comme une tentative d’étouffer les voix dissidentes, alors que le contexte régional appelle, selon lui, à un soutien sans ambigüité à la cause palestinienne.
De la critique au soupçon : la dérive du débat
Ce qui complexifie davantage ce type de controverse, c’est la rapidité avec laquelle le débat glisse de la critique à la stigmatisation.
Au lieu d’un échange rationnel sur les limites de la liberté d’expression dans l’espace public, on assiste à une polarisation symbolique, où les appartenances idéologiques et les positions historiques prennent le dessus.
Ce clivage, bien que personnalisé ici, illustre un malaise plus profond : l’absence d’un véritable dialogue national sur les frontières du pluralisme, le rôle des ONG dans la vie publique, et le rapport entre engagement citoyen et cohérence diplomatique.
Vers une rationalité politique et civile
Aucun pays ne peut construire son avenir sur une seule jambe.
Les institutions élues ont besoin du soutien moral et critique de la société civile pour renforcer leur légitimité. De son côté, l’action associative doit s’ancrer dans le respect de l’État de droit, sans tomber dans la démagogie ou le procès d’intention permanent.
Le Maroc d’aujourd’hui n’a pas besoin d’une guerre des postures, mais d’un sursaut de responsabilité. Il nous faut des voix capables de sortir de la logique de surenchère, pour restaurer un espace de débat fondé sur la confiance, la transparence et le sens des responsabilités partagées.