Dans un contexte international marqué par les tensions géopolitiques croissantes, les urgences environnementales et les incertitudes économiques, le roi Mohammed VI a adressé un message d’une densité stratégique remarquable à la Conférence « Afrique pour l’Océan » à Nice, co-présidée par le président français Emmanuel Macron et la princesse Lalla Hasnaa, représentant le souverain marocain.
Mais au-delà des mots courtois et des formules diplomatiques, que nous dit vraiment cette lettre ? Et que cherche à signifier le Maroc lorsqu’il évoque, par la voix de son roi, une nouvelle gouvernance des mers africaines ?
L’Océan, miroir des souverainetés à venir ?
Le roi du Maroc commence par dresser une vérité dérangeante : l’Afrique, malgré ses 30 000 km de côtes et des ressources marines abondantes, reste spectatrice de ses richesses. La mer, souvent perçue comme lointaine ou secondaire, est ici réaffirmée comme un pivot stratégique : souveraineté alimentaire, résilience climatique, sécurité énergétique.
🇲🇦🇺🇳 « Le Maroc, fort de ses 3 500 km de côtes et de 1,2 million de km² d’espaces maritimes, s’engage avec détermination à prendre sa part de l’œuvre collective. »
Extrait du message du Roi Mohammed VI, lu par la Princesse Lalla Hasnaa au sommet « L’Afrique pour l’Océan » à… pic.twitter.com/q2xxkrBLxh
— Le360 (@Le360fr) June 9, 2025
Mohammed VI invite à passer du « possible » au « propriétaire », du potentiel au pouvoir. L’océan devient ainsi une métaphore de l’appropriation géopolitique, économique et culturelle de l’Afrique sur elle-même. Faut-il y lire un appel à une rupture avec les modèles extractifs imposés depuis l’extérieur ?
Trois axes, une doctrine africaine de la mer
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Un Croissance Bleue Structurée : Le roi rejette l’idée que l’économie bleue serait un luxe. Il parle d’une nécessité stratégique – à condition de l’intégrer dans une chaîne de valeur cohérente. Le Maroc, avec Tanger Med, Dakhla Atlantique et Nador West Med, se pose déjà comme modèle de transformation maritime.
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Une Coopération Sud-Sud Maritime : La mer ne peut être gérée individuellement, dit-il. Il faut des synergies africaines autour de la protection de la biodiversité, la sécurisation des routes maritimes et la juste répartition des ressources halieutiques. Le ton est clair : l’Afrique doit parler d’une seule voix dans les négociations océaniques mondiales.
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Une Vision Atlantique Englobante : L’Initiative des États Africains Atlantiques, lancée par le Maroc, ambitionne de faire de l’Atlantique un espace d’intégration sécuritaire, économique et stratégique. L’appel à inclure les pays sahéliens sans littoral révèle une vision géoéconomique inclusive.
L’Atlantique : un nouveau cœur géopolitique pour l’Afrique ?
Le projet du gazoduc Nigeria-Maroc, mentionné dans le message royal, devient ici bien plus qu’une infrastructure énergétique. Il incarne une volonté de remodeler les flux économiques africains selon une logique intra-africaine et non plus seulement extractive.
Dans un monde où l’Indo-Pacifique prend de l’ampleur, le Maroc propose-t-il un « moment Atlantique africain » ? Et la France, partenaire historique, est-elle prête à accompagner ce basculement, sans y imposer ses logiques anciennes ?
Une lecture géopolitique en évolution
Les rapports de l’Union africaine, ceux de la FAO et de l’OCDE pointent régulièrement les pertes économiques colossales liées à la pêche illégale et à l’absence de stratégie maritime continentale. Le roi Mohammed VI, dans cette lettre, semble vouloir combler ce vide stratégique.
Plus qu’un discours, c’est une doctrine. Reste à savoir si les autres États africains sauront s’en emparer. L’océan peut-il devenir l’espace d’un panafricanisme renouvelé et pragmatique ?
