vendredi, juin 13, 2025
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« Travailleurs occasionnels » : Les collectivités territoriales, nouvelles bourses d’allégeances électorales ?

Dans un contexte qualifié de « séisme silencieux » qui secoue les profondeurs de l’administration territoriale au Maroc, les premières données des inspections générales révèlent une image préoccupante de la gestion des travailleurs occasionnels dans certaines collectivités locales, notamment dans les régions de Casablanca-Settat et Marrakech-Safi. Les chiffres sont choquants, les pratiques récurrentes laissent entrevoir un système où l’intérêt politique se mêle aux besoins sociaux. Une question s’impose : Les collectivités sont-elles devenues des outils de clientélisme politique sous couvert de gestion des ressources humaines ?

Derrière les chiffres : plus de 300 travailleurs occasionnels dans une seule commune

Selon des fuites rapportées par Hespress, une commune locale aurait recruté plus de 300 travailleurs occasionnels, dans une vague d’embauches à forte connotation politique et partisane. Plusieurs de ces employés ne rempliraient aucune mission effective, percevant néanmoins des indemnités mensuelles régulières. Une réalité qui soulève la question : S’agit-il d’un réseau de corruption financière ou d’un système informel de redistribution électorale ?

Conflit d’intérêts : quand le conseiller devient employeur

Les rapports pointent des abus graves de pouvoir : certains conseillers communaux auraient intégré leurs enfants, proches, voire des membres d’associations partenaires, en tant que travailleurs temporaires, sans respecter les procédures légales. De telles pratiques illustrent un conflit d’intérêt manifeste, en contradiction flagrante avec les principes de transparence et de bonne gouvernance rappelés dans la circulaire du ministère de l’Intérieur de 2009, qui conditionne ces recrutements à des besoins réels du service public.

La commune : un champ d’économie informelle ?

Loin des discours officiels, la gestion des travailleurs occasionnels semble alimenter une forme d’économie de rente locale. Des cas de travailleurs « fantômes » exerçant des activités parallèles dans le commerce ou les soins tout en gardant leurs postes ont été relevés. Une situation qui sape l’égalité des chances et renforce la culture du clientélisme.

Dans ce cadre, une question centrale se pose : La réforme du modèle de développement au Maroc peut-elle réussir sans redéfinir radicalement le rôle des collectivités locales ?

Contexte national et international : entre déficit de gouvernance et pression de reddition des comptes

Cette problématique émerge alors que le Nouveau Modèle de Développement (2021) insiste sur l’efficacité du service public local et la nécessité de relier responsabilité et redevabilité. Par ailleurs, le Maroc, signataire de la Convention des Nations Unies contre la corruption, est interpellé sur la transparence dans la gestion des ressources locales.

Le dernier rapport de Transparency International sur l’indice de perception de la corruption souligne des niveaux préoccupants pour le Maroc, ce qui remet en question la capacité des organes de contrôle à enrayer les pratiques de favoritisme enracinées au niveau local.

Qui est responsable ? Et quelle issue pour la réforme ?

Le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a adressé une note aux walis et gouverneurs pour exiger des rapports détaillés sur la situation des travailleurs occasionnels. Un signe que l’État est conscient de la gravité du phénomène. Mais cela suffira-t-il à transformer une culture administrative gangrenée par le népotisme électoral ?

Il est peut-être temps d’aller au-delà des simples rappels réglementaires, en instaurant des plateformes numériques publiques pour la transparence, en conditionnant les financements des collectivités à des indicateurs de performance et en rendant obligatoire la publication périodique des listes de ces travailleurs.

Conclusion :
Le dossier des travailleurs occasionnels n’est pas un simple dossier de mauvaise gestion : c’est le miroir d’une crise plus profonde dans la relation entre administration locale et politique. Entre rente électorale et attentes citoyennes, l’État est aujourd’hui devant un choix clair : restaurer la collectivité comme institution au service du citoyen, ou continuer à l’utiliser comme instrument d’allégeances au service d’intérêts partisans.

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