En pleine crise hydrique sévère touchant plusieurs régions du Maroc, le gouvernement a annoncé la signature d’un accord de financement pour un projet de dessalement de l’eau de mer, présenté comme le plus grand du genre en Afrique, pour un investissement de 6,5 milliards de dirhams. Le projet semble prometteur du point de vue du développement durable et de l’innovation technologique, notamment grâce à son recours exclusif aux énergies renouvelables.
Mais derrière les chiffres et les discours officiels rassurants, émergent des questions légitimes sur la transparence et de possibles conflits d’intérêts, notamment du fait de la présence de deux entreprises appartenant au groupe économique du chef du gouvernement dans le consortium retenu.
Consortium hispano-marocain : qui détient les clés du projet ?
Le consortium est dirigé par la société espagnole Acciona, en partenariat avec Green of Africa et Afriquia Gaz, deux entreprises affiliées au groupe de Aziz Akhannouch, actuel chef du gouvernement. L’accord porte sur la construction, l’exploitation et la maintenance d’une station de dessalement à Casablanca, censée révolutionner la gestion de l’eau au Maroc.
Le projet est financé à 80 % par des prêts de banques marocaines et étrangères, et à 20 % par des fonds propres des trois sociétés. Ce qui intrigue, c’est que deux des trois sociétés font partie du groupe de M. Akhannouch, qui a pourtant annoncé sa « démission » de la gestion directe de ses entreprises après son investiture.
Mais une démission formelle signifie-t-elle vraiment une rupture avec l’influence économique ou les bénéfices ?
Une station écologique exemplaire : gains en eau grâce à l’énergie propre
Sur le plan technique, la station devrait produire 300 millions de mètres cubes d’eau par an, suffisant pour alimenter 7,5 millions de personnes, tout en soutenant le secteur agricole. Le projet sera entièrement alimenté par l’énergie éolienne, faisant de lui une première mondiale en matière de dessalement durable.
Mais cette « excellence écologique » peut-elle masquer les interrogations sur l’équité et la concurrence ?
L’opposition monte au créneau : contrats dans l’ombre ?
Le consortium sélectionné avait déjà fait l’objet d’une enquête journalistique en 2023 révélant l’exclusion de plusieurs offres internationales concurrentes. L’opposition, notamment le Parti de la justice et du développement (PJD), a qualifié le projet de « scandale politique », accusant le gouvernement de manquer de clarté sur le financement.
Alors que M. Akhannouch affirmait qu’il n’y avait aucun soutien public, des documents officiels ont confirmé que la Commission nationale des investissements avait validé une forme de soutien au projet.
Sommes-nous face à un véritable « partenariat public-privé » ou à un cas manifeste de conflit d’intérêts déguisé ?
Des questions légitimes sur la transparence et l’équité
Malgré les bénéfices attendus du projet, plusieurs interrogations demeurent :
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Des offres concurrentes ont-elles été écartées au profit des entreprises liées au chef du gouvernement ?
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Dans quelle mesure la décision d’investissement est-elle indépendante du pouvoir politique ?
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L’égalité des chances est-elle garantie dans l’attribution des marchés publics ?
Conclusion : leadership écologique ou captation politique ?
Nul ne remet en question la nécessité urgente pour le Maroc de trouver des solutions innovantes à sa crise hydrique, ni l’importance d’un projet durable comme celui du dessalement de Casablanca. Mais le vrai enjeu dépasse le cadre technique : il concerne aussi les mécanismes de sélection, la confiance des citoyens et la crédibilité de l’action publique.
Car lorsque le pouvoir politique et les intérêts économiques s’entrelacent, la frontière entre service public et profit privé devient floue…
