Dans le cadre des préparatifs pour la mise en œuvre de la loi n° 43.22 relative aux peines alternatives, qui entrera en vigueur à partir d’août 2025, et en marge des deux journées d’étude organisées par la Présidence du Ministère Public en partenariat avec le Conseil de l’Europe, et en coordination avec la Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion, un débat a été soulevé concernant le coût de l’application de ces dispositions légales et la capacité du Maroc à les mettre en œuvre concrètement.
Des spécialistes interrogés par Hespress ont indiqué que le coût des peines alternatives est « bien inférieur à celui des peines d’emprisonnement traditionnelles » et qu’elles pourraient « contribuer à améliorer la politique pénale et punitive au Maroc » ; cependant, ces experts ont exprimé leur crainte quant à « l’incapacité » de l’État à appliquer ces dispositions légales, en raison des perceptions « négatives » enracinées dans l’esprit des Marocains à propos de ces peines, qui sont considérées comme une « acquisition de jours de prison ».
Mohamed El Mou, avocat au barreau de Rabat, a affirmé que la loi sur les peines alternatives est « un projet proposé depuis des années au Maroc dans le but de réformer la politique pénale et la politique de punition et de criminalisation ; la réalité pratique a prouvé que l’institution pénitentiaire ne contribue pas à la réforme mais développe plutôt la tendance criminelle chez le prisonnier ».
Il a ajouté dans une déclaration à Hespress que les peines privatives de liberté « ont un coût élevé ; la prise en charge des détenus coûte à l’État un budget important car elle leur fournit toutes les nécessités de la vie, et elle est coûteuse même sur le plan social, car lorsqu’une personne est arrêtée, sa famille est privée du rôle qu’elle joue en tant que soutien ou membre de la famille ».
Le même avocat a noté que « l’application de la législation sur les peines alternatives permettra d’économiser des sommes d’argent importantes et contribuera à discipliner et dissuader les individus », soulignant que le Maroc « réussira à mettre en œuvre la loi sur les peines alternatives ; mais avec difficulté, car il y aura des problèmes au niveau de l’application ».
Il a expliqué : « La peine classique est exécutée par l’administration pénitentiaire, qui incarcère les détenus et les surveille. En ce qui concerne l’application des peines alternatives, le législateur a confié à la Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire l’exécution et le suivi des peines alternatives. Cela signifie que la délégation exécutera les peines dans l’espace public et dans la société ; ici, se mêlent des aspects sécuritaires, familiaux, psychologiques et sanitaires, et il y a d’autres parties impliquées dans ce processus ».
El Mou s’est interrogé : « Par exemple, si un détenu est condamné à nettoyer une mosquée ou une installation publique… les personnes qui accueilleront ou interagiront avec ce détenu pendant l’exécution de sa peine auront-elles la formation appropriée pour savoir comment traiter avec lui ? ».
L’avocat au barreau de Rabat a mentionné qu’un autre défi auquel est confrontée la loi sur les peines alternatives est : « Les condamnés s’engageront-ils à effectuer le service public ou non, bien que la loi stipule qu’en cas de non-respect de l’exécution du service public, la peine d’emprisonnement est appliquée », soulignant « la nécessité d’élargir la liste des exceptions pour inclure les agressions contre les femmes et les mineurs, ainsi que les affaires d’escroquerie, de fraude, de falsification et de violation de confiance ».
De son côté, Chouaib Harith, avocat au barreau de Casablanca, a considéré que les peines alternatives sont « moins coûteuses si l’on considère la question du point de vue du coût matériel ; car la prise en charge du détenu dans l’institution pénitentiaire coûte à l’État des montants élevés, surtout avec l’augmentation du nombre de détenus dans le cadre de la détention préventive ».
Quant à la capacité de l’État marocain à appliquer la législation sur les peines alternatives, Harith a mentionné que « le contexte marocain et l’environnement social pourraient rendre difficile la réalisation de l’effet escompté de ces peines, car certains estiment que les peines alternatives pourraient affaiblir le principe de dissuasion générale, qui est un élément essentiel caractérisant les peines privatives de liberté ».
L’avocat au barreau de Casablanca a ajouté : « Il est prévu que les peines alternatives soient appliquées de manière partielle, et dans des cas spécifiques concernant certains délits et crimes », précisant : « Cependant, la société marocaine conserve des perceptions négatives à propos de ces peines, certains les considérant comme une « acquisition de jours de prison » ; ce qui « renforce l’idée d’impunité » ».
Le même intervenant a appelé l’État à « lancer des campagnes de communication et de sensibilisation visant l’opinion publique marocaine, pour clarifier le contenu de cette loi, ses conditions et ses domaines d’application ; afin que les peines alternatives ne soient pas mal comprises, ce qui viderait leur contenu réformateur et dissuasif ».