Le projet « Le Maroc d’abord et toujours », lancé par l’ancien ministre Aziz Rebbah, se présente comme une tentative de raviver une idée ancienne mais essentielle : l’ambition personnelle doit être mise au service de l’intérêt général.
Cependant, derrière la noblesse affichée de cette initiative, surgissent plusieurs interrogations fondamentales : dans quelle mesure l’ambition individuelle peut-elle réellement se transformer en une force collective au service du développement national ? Et quelles sont les conditions de réussite de telles initiatives dans un contexte marqué par des tensions politiques, économiques et sociales ?
À travers une lecture attentive du parcours de l’ancien ministre, il apparaît que sa vision de l’ambition repose sur deux principes clés : d’une part, le service de la patrie passe nécessairement par une contribution effective à son essor ; d’autre part, toute réussite individuelle ne prend son véritable sens qu’à travers sa capacité à apporter une valeur ajoutée réelle à la société.
Cependant, une telle approche, bien que porteuse d’idéaux élevés, invite à s’interroger sur les limites du lien entre ambition individuelle et intérêt national.
La bonne volonté suffit-elle à elle seule à transformer une ambition en force constructive ? Le simple fait de proclamer « Le Maroc d’abord » garantit-il l’adhésion collective à un projet national profond et durable ?
Dans ce cadre, l’initiative de Rebbah rejoint les fondements de la culture de la « Tamaghrebite », fondée sur les valeurs de don, d’altruisme et de transformation des ambitions personnelles en forces collectives.
Toutefois, la concrétisation de ces valeurs nécessite bien plus que des discours : elle exige des programmes concrets, des visions stratégiques claires et des mécanismes de suivi et d’évaluation rigoureux.
Un autre défi se pose ici : comment une initiative individuelle, même ambitieuse, peut-elle assurer son passage du concept aux résultats tangibles, dans un environnement institutionnel marqué par des dysfonctionnements structurels ? Le projet dispose-t-il réellement des moyens nécessaires pour s’étendre et se transformer en un mouvement social influent ?
Sur le plan symbolique, « Le Maroc d’abord et toujours » porte une signification forte : replacer l’identité nationale au centre de toute ambition personnelle ou collective.
Mais la réalisation de cet objectif impose, au-delà de la conscience, la mise en œuvre de projets concrets répondant aux besoins réels des citoyens, notamment dans les secteurs essentiels que sont l’éducation, la santé, l’emploi et le développement régional.
L’expérience d’Aziz Rebbah en tant qu’ancien ministre lui confère sans doute une connaissance approfondie des complexités de l’administration publique et des politiques nationales.
Ce capital pourrait constituer un levier important pour développer son initiative. Toutefois, les mutations rapides que connaît le Maroc exigent une approche encore plus globale, articulant action locale et stratégie nationale.
En conclusion, « Le Maroc d’abord et toujours » s’inscrit comme une démarche mobilisatrice importante, mais elle devra être traduite en actions collectives d’envergure pour espérer peser durablement.
Car l’ambition, même sincère, ne fait la différence que lorsqu’elle se mue en action organisée, portée par une vision claire, des moyens efficaces et des mécanismes sérieux de reddition des comptes.
Seules les initiatives capables d’assurer cette articulation entre idée et exécution, entre ambition et intérêt public, laisseront une empreinte durable dans la construction de la nation.
