jeudi, août 28, 2025
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Projet de Loi de Finances 2026… Des chiffres ambitieux et un discours rural : entre promesses d’investissement et réalités du terrain

Le Projet de Loi de Finances 2026 (PLF 2026) se présente comme un document à forte dimension sociale et développementale, plaçant le monde rural au cœur de l’investissement public, avec un chiffre annoncé atteignant 60 % du total des crédits. Des montants en milliards de dirhams, de vastes projets d’eau potable et de dessalement, ainsi que la construction d’écoles communautaires dans les zones les plus reculées… Sur le papier, tout cela ressemble à une feuille de route destinée à réduire les inégalités territoriales et à connecter les villages à la dynamique de croissance nationale.

Mais, comme pour tout discours officiel, une question demeure : quelle est la solidité réelle de ces chiffres et comment se traduiront-ils concrètement dans la vie quotidienne des citoyens ruraux ?

Les promesses chiffrées du PLF 2026

Au cœur du document financier, les projets liés à l’eau et à la sécurité hydrique occupent une place centrale :

  • 5,6 milliards de dollars (environ 56 milliards de dirhams) alloués à un programme national d’eau potable et de traitement des eaux usées, pour faire face à la crise hydrique.

  • Un plan visant la réalisation de neuf stations de dessalement supplémentaires d’ici 2030, avec une capacité totale annoncée de 1,4 milliard de m³ par an.

Dans le domaine de l’éducation, le gouvernement met en avant un programme de construction de 150 écoles communautaires en zones rurales, financé avec le soutien de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) et de l’Union Européenne.

L’objectif affiché est clair : réduire les disparités territoriales, instaurer une justice sociale et intégrer le monde rural dans la dynamique de développement national.

Entre chiffres et terrain : des questions légitimes

Les 60 % annoncés :
Existe-t-il un document budgétaire officiel confirmant que 60 % de l’investissement public est effectivement destiné au monde rural, ou s’agit-il d’une estimation politique ou d’un discours orienté ?

En comparant le PLF 2026 aux budgets précédents (2024 et 2025), faut-il y voir une rupture ou une continuité ?

Thème PLF 2025 PLF 2026 (projections disponibles)
Investissement public total 340 MMDH, en hausse modeste de +1,5 % par rapport à 2024 Projections en augmentation mais montant global non précisé dans les sources consultées à ce jour.
Part des EEP (entreprises publiques) 138 MMDH, en progression de 4 % par rapport à 2024 141,61 MMDH estimés
Investissement du groupe OCP 45 MMDH en 2025 (sur un total de 139 MMDH pour la période 2025-2027), dont 52 MMDH prévus pour 2026 52 MMDH (en 2026) détaillés comme partie de programmation des EEP
Éducation rurale 68 % des 189 écoles nouvelles pour 2025 seront en zones rurales, sur un budget de 85,6 MMDH Maintien de l’objectif “éducation rurale” mais sans chiffrage précis à ce jour
Eau potable rurale (AEP) Enveloppe de 1,32 MMDH prévue en 2025 Non précisée pour 2026 dans المصادر الحالية

 

La soutenabilité budgétaire :

Des investissements de cette ampleur exercent une forte pression sur les finances publiques. Le gouvernement annonce vouloir réduire le déficit budgétaire à 3–3,5 % du PIB : comment concilier ces deux objectifs ? Et quel sera l’impact sur la dette publique ?

La pérennité des projets :
Les stations de dessalement sont coûteuses à exploiter et à entretenir. Existe-t-il un plan clair pour assurer leur fonctionnement après leur mise en service ?

Pour les écoles communautaires, la construction ne suffit pas : qu’en est-il du recrutement d’enseignants qualifiés, du transport scolaire et des infrastructures complémentaires ?

Un contexte complexe – Les défis réels

Le Maroc traverse une crise hydrique parmi les plus sévères de son histoire, et la sécheresse redessine la carte agricole et économique du pays. Les projets liés à l’eau sont indispensables, mais la vitesse d’exécution pourra-t-elle suivre le rythme de l’aggravation climatique ?

L’exode rural vers les grandes villes reste massif. Ces investissements, aussi importants soient-ils, suffiront-ils à inverser la tendance, ou faudra-t-il aussi stimuler l’économie locale et créer des opportunités d’emploi directement dans les villages ?

Les expériences passées ne sont pas toujours rassurantes. Certains projets d’infrastructures hydrauliques ou éducatives ont souffert de retards, voire d’abandons, en raison de contraintes financières ou administratives. Cette fois-ci, la méthode de mise en œuvre sera-t-elle différente ?

Discours et résultats : le risque de l’écart

La formule « il y a ceux qui agissent et ceux qui se contentent de critiquer » revient régulièrement dans le discours gouvernemental. Mais la réussite ne se mesure pas seulement à la réalisation matérielle.

Le développement rural exige une gouvernance efficace, un suivi rigoureux et la garantie que les infrastructures ne deviennent pas de simples structures vides.

Construire une école dans un village ne transforme pas nécessairement la réalité éducative si l’enseignant manque, si le transport est inexistant ou si les ressources pédagogiques sont absentes. De même, une station de dessalement ne résout pas la crise si l’eau n’est pas distribuée équitablement et à un prix accessible.

Conclusion – Des questions qui restent ouvertes

Le PLF 2026 affiche des ambitions fortes et des montants considérables. Mais son succès ne se mesurera ni aux annonces ni aux tableaux budgétaires, il se jugera à l’aune des changements concrets que connaîtront les villages marocains dans les prochaines années.

  • Les 60 % d’investissements atteindront-ils réellement le monde rural ?

  • La justice territoriale promise se concrétisera-t-elle ou restera-t-elle un slogan politique ?

  • Ces milliards se traduiront-ils en eau potable, en écoles fonctionnelles et en emplois locaux, ou resteront-ils lettre morte ?

En attendant, le rôle du journalisme d’analyse – cette presse du regard – sera de suivre, questionner et comparer les promesses aux résultats, car les chiffres, aussi impressionnants soient-ils, ne valent que s’ils se transforment en réalités tangibles pour les citoyens.

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