vendredi, juillet 11, 2025
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« Lorsque la vulgarité devient une politique publique déguisée »… Analyse du cri d’alerte de Aziz Rebbah contre la banalisation

À un moment charnière pour la presse marocaine, deux projets de loi ont été présentés à la Commission de l’éducation, de la culture et de la communication de la Chambre des représentants. Le plus emblématique est le projet de loi relatif à la « réorganisation du Conseil national de la presse ».

Mais plutôt que de porter l’esprit de réforme, ce texte semble vouloir redessiner l’architecture de l’autorégulation selon les contours d’un contrôle administratif et d’intérêts privés, ignorant les avancées accumulées depuis deux décennies en faveur de la liberté et de l’indépendance de la presse.

Une apparence réformiste… pour un contenu troublant

Le projet se présente comme un prolongement de l’effort professionnel pour moderniser le secteur, en tenant compte des mutations du métier et des défis de représentativité. Mais dans le fond, il reproduit les mêmes dérives structurelles : un pouvoir sans autonomie, une représentativité vidée de sens, et une régulation administrative camouflée sous l’étiquette d’autorégulation.

Le plus inquiétant réside dans l’usage habile d’un langage juridique soigné pour priver l’autorégulation de sa substance, la transformant en un organe de contrôle partagé entre des acteurs proches du pouvoir et des cercles économiques, bien loin d’une véritable représentation des journalistes.

Ce qu’en dit le ministre BenSaïd : amélioration ou justification ?

En présentant le projet, le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi BenSaïd, a insisté sur l’objectif de renforcer le cadre légal de la presse, d’assurer une meilleure protection des journalistes, d’améliorer la qualité de la pratique et de garantir les droits professionnels.

Il a également évoqué des ajustements techniques : nouvelles définitions des catégories de journalistes, intégration des droits d’auteur, clarification du statut de la carte de presse, et possibilité d’accès au Bureau marocain des droits d’auteur (BMDA).

Mais malgré leur pertinence apparente, ces amendements ne répondent pas au cœur du problème : le manque d’indépendance du Conseil, l’exclusion effective de larges franges de professionnels au profit d’une minorité influente.

Une composition sur mesure ?

L’un des changements majeurs est la nouvelle composition du Conseil : 7 journalistes, 7 éditeurs, et 3 représentants d’institutions constitutionnelles. Un choix qui élimine totalement des composantes ayant donné une légitimité morale à l’ancienne structure, telles que l’Ordre des avocats ou l’Union des écrivains du Maroc.

Pire encore, le mode d’élection des journalistes s’appuie sur une logique individualiste : pas de reconnaissance des syndicats ni des associations professionnelles, comme si les journalistes étaient des individus isolés sans organisation ni statut collectif. Une manière implicite de discréditer toute forme d’organisation structurée de la profession.

La représentation des éditeurs, quant à elle, apparaît comme le cœur du problème : des sièges réservés à une minorité puissante choisie selon leur budget et leur capacité d’influence, reléguant les petites et moyennes entreprises de presse — véritable pilier du journalisme indépendant — au second plan.

D’un espace de régulation à un appareil de contrôle

Le projet va jusqu’à transformer le Conseil en un quasi-tribunal doté de pouvoirs répressifs : il pourrait suspendre un média pendant un mois, sans passer par une décision judiciaire. Une dérive grave vers une logique punitive, contraire à l’essence même de l’autorégulation.

En un mot : le Conseil proposé n’est pas un organe indépendant, mais un outil de régulation doté de dents acérées.

Réforme professionnelle ou monopole déguisé ?

Si l’ambition est de construire un espace professionnel autonome, les fondements doivent être clairs :

  • Des élections libres et transparentes ;
  • Une représentation juste et équilibrée ;
  • Une indépendance fonctionnelle et budgétaire ;
  • Et un Conseil qui défend la liberté de la presse plutôt que de la discipliner.

Or, le projet actuel consacre au contraire un déséquilibre institutionnalisé, en légitimant par la loi l’hégémonie d’une minorité, refermant ainsi le cercle de la représentation sur les plus proches du pouvoir ou les plus fortunés.

Conclusion ouverte

Ce texte mérite mieux qu’un simple amendement : il nécessite une refonte complète fondée sur une question fondamentale :

Souhaitons-nous une véritable autorégulation professionnelle, ou sommes-nous en train d’instituer un monopole d’apparence publique mais de nature privée ?

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