mercredi, juillet 9, 2025
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Œufs de table au Maroc : Crise silencieuse, dettes étouffantes et emprise des fournisseurs

Alors que les prix des œufs de consommation ont récemment grimpé au Maroc, une série de faits inquiétants émerge, soulevant des questions cruciales sur les causes réelles de cette hausse, les pratiques du marché, et l’impact sur les petits éleveurs et les consommateurs. Bien au-delà des raisons climatiques souvent avancées, des voix du secteur pointent du doigt des mécanismes de dépendance financière imposés par certaines sociétés d’aliments pour volaille et de produits vétérinaires.

Une hausse des prix masquant une crise plus profonde

Les prix à la ferme ont atteint 1,12 dirham par œuf, contre 0,85 auparavant, avec des perspectives d’augmentation continue. Si certains professionnels imputent cette hausse à la chaleur estivale ayant provoqué des pertes dans les élevages mal équipés, d’autres estiment que ces arguments ne suffisent pas, car de nombreuses fermes sont aujourd’hui dotées d’équipements modernes capables de limiter l’impact climatique.

Crise structurelle : faillites en chaîne et domination des grandes firmes

Derrière les hausses de prix, une crise structurelle secoue le secteur. La Fédération nationale des éleveurs de volailles a recensé, ces trois derniers mois seulement, plus de 17 cas de faillite de fermes spécialisées dans les œufs, principalement en raison d’un endettement insoutenable auprès des fournisseurs d’aliments et de médicaments vétérinaires.

Selon Khalid Idrissi, secrétaire général de l’Association nationale des distributeurs d’œufs, « ce ne sont pas les conditions climatiques qui freinent la production, mais plutôt le retrait progressif des petits producteurs, étranglés par les coûts de l’alimentation animale ».

Des enquêtes de terrain révèlent que certaines grandes sociétés proposent aux éleveurs des services (aliments, soins, poussins) à crédit. Ces dettes, difficilement remboursables en raison des marges serrées sur la vente des œufs, finissent souvent par conduire à la saisie légale de leurs exploitations via des mécanismes de nantissement ou de transfert judiciaire.

Témoignages d’éleveurs en détresse

Un vendeur de volailles en gros à Rabat affirme :

« Ils sont obligés de vendre en dessous du coût de revient. Dès qu’ils accumulent les dettes, ces entreprises engagent les procédures de récupération. Certains producteurs ont tout perdu en quelques mois. »

Gouvernance et opacité : où est la régulation ?

L’affaire révèle un vide en matière de gouvernance. Le manque de contrôle sur les contrats de fourniture, la fluctuation incontrôlée des prix, et l’absence de régulation sur les pratiques de crédit mettent en péril non seulement les éleveurs, mais aussi la sécurité alimentaire.

Canicule : un facteur aggravant

La canicule n’est pas sans effet. Selon plusieurs sources agricoles, la mortalité des poussins augmente dans les petites fermes non climatisées, réduisant temporairement l’offre. Ce déséquilibre offre aux grands producteurs un levier pour maintenir des prix élevés, surtout en période de forte demande estivale.

Des investissements qui peinent à soulager le secteur

En mai 2023, le gouvernement a signé avec la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole un contrat-programme prévoyant 200 millions de dollars d’investissements d’ici 2030. Mais les retombées se font attendre sur le terrain, notamment pour les petits exploitants qui continuent à crouler sous les charges.

Conclusion : le secteur en quête de salut

Le secteur marocain de la production d’œufs se trouve à un carrefour critique. Entre climat extrême, pratiques financières contestées, et fragilité structurelle, la situation exige une intervention urgente. Le soutien aux petits producteurs, une transparence accrue des pratiques commerciales, et une réforme de la régulation des intrants agricoles deviennent essentiels pour éviter un effondrement silencieux.

Une seule question reste en suspens : qui aura le courage politique de rééquilibrer ce secteur vital avant qu’il ne soit trop tard ?

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