mardi, juillet 8, 2025
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Totot̀ entre écran public et liberté artistique : une crise de compréhension ou de censure ?

La soirée du rappeur marocain Taoufiq Fahssi alias « Totot », diffusée sur 2M pendant le festival Mawazine, a semi‑déchaîné les passions : elle affiche plus de 400 000 spectateurs, un record, tout en déclenchant une vague de critiques pour son « contenu inapproprié ».

Une plainte déposée auprès du régulateur HACA (Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle) – relayée par le parti de la Justice et Développement – accuse la chaîne publique de viol des « contenus convenus » : tenue jugée « malséante » (t‑shirt « Sılkot » orné d’une étoile du drapeau), langage grossier, incitation à répéter des propos vulgaires… des atteintes présumées à la dignité humaine ou à la santé psychologique des mineurs.

Liberté d’expression ou responsabilité publique ?

D’un côté, des voix s’élèvent pour protéger le public familial, en particulier les enfants, et font valoir que le contenu public télévisé doit rester conforme à un certain « standard moral », comme on le fait pour le cinéma ou les sites Web.

Mais, ces mises en garde se heurtent aux faits culturels :

  • Totot s’adresse à son public, principalement jeune, via une langue urbaine crue reflétant les réalités de son époque ;

  • Mawazine a déjà accueilli des artistes internationaux à la tenue ou aux propos plus provocateurs, sans susciter la même réaction ;

  • Le rap, selon certains analystes, porte une voix contestataire, sociale, exprimant les attentes d’une jeunesse en quête de visibilité.

Une censure différenciée ?

Le critique Abdelrahim Chafaei note la disparité de traitement :

  • Une critique virulente s’éléve contre un artiste local,

  • Alors que des contenus plus audacieux passent sans remous lorsqu’ils sont produits à l’étranger.
    Le « double standard » de la télévision publique soulève une question majeure : pourquoi ce deux poids deux mesures ?

Entre espace public et foyer familial

Selon le producteur Moufid Sbaihi, assister à un concert est un choix libre ; mais quand ce même contenu est diffusé dans les salons, via une chaîne publique, la responsabilité éditoriale devient incontournable : il faut penser à des classifications par âge, voire des avertissements avant diffusion, comme c’est le cas au cinéma.

HACA à l’épreuve de la modernité

Le régulateur est confronté à un dilemme : appliquer le cahier des charges à la lettre ? Ou reconnaître la réalité d’un paysage audiovisuel éclaté (TV, Internet, redes sociaux…) ?

  • Le « filtrage » traditionnel reste pertinent pour la télévision publique,

  • Mais le contenu numérique échappe à toute forme de contrôle conventionnel.

Conclusion

Le débat autour de Totot dépasse un simple cas de censure :

  • Il révèle une fracture culturelle : d’un côté, un art urbain, immédiat, contestataire ; de l’autre, une norme sociétale figée.

  • Il interroge sur la capacité des institutions à s’adapter aux transformations culturelles, sans verser ni dans l’autoritarisme moral, ni dans la passivité.

Les questions fondamentales demeurent :

  1. Peut‑on exposer une génération au polissage moral tout en acceptant l’expression crue de son quotidien ?

  2. Les médias publics doivent-ils édicter ou encadrer ?

  3. Quelle place accorder à un art qui « dérange » mais reflète nos réalités ?

Sans réponse univoque, une évidence s’impose :

La culture d’un pays se mesure non seulement par ses normes, mais aussi par sa capacité à accueillir des voix contraires.

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