Au cœur de l’Assemblée parlementaire, face au Chef du gouvernement, le secrétaire général d’un parti politique n’a pas opté pour un discours classique ni des chiffres secs, mais a emprunté des paroles ironiques d’une chanson de rap populaire sur TikTok :
« Mon pays est un pays de Ramid… Pas d’hôpital, pas de médecin, tu veux une injection, ouvre ton porte-monnaie. »
Cette phrase a suffi à faire taire l’assemblée et à ouvrir un débat franc sur l’une des crises les plus graves auxquelles la jeunesse marocaine est confrontée : le sentiment d’abandon, d’impuissance, et la perte de priorité de leur droit aux soins et à la dignité par l’État.
Une critique virulente née de la rue
La déclaration d’Ouzzine n’était pas un simple effet de style ou une figure de rhétorique, mais une tentative de porter la voix d’une protestation claire qui résonne chez les jeunes sur les réseaux sociaux, trouvant ainsi sa place dans une institution constitutionnelle chargée du contrôle et de la reddition des comptes.
Le secrétaire général du parti « Sunbula » a expliqué que les jeunes ne perçoivent le système de santé que comme un service défaillant garantissant seulement un minimum de dignité aux couches vulnérables, aggravé par les difficultés d’accès aux soins, le manque de personnel médical et la hausse des coûts hospitaliers.
Question au Chef du gouvernement : Où est la carte « Raya » ?
Dans son intervention, Ouzzine a rappelé plusieurs promesses issues du programme gouvernemental, notamment :
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La carte « Raya » censée permettre aux citoyens d’obtenir gratuitement des médicaments.
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L’attribution d’un médecin à chaque famille.
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Une allocation de naissance : 2000 dirhams pour le premier enfant, 1000 pour le second.
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Le « revenu de dignité » pour les personnes âgées.
Il a interpellé directement le Chef du gouvernement :
« Où en sommes-nous aujourd’hui avec ces engagements ? Pourquoi ne sont-ils toujours pas appliqués ? »,
insistant sur le fait que reconnaître l’échec est une vertu et que présenter des excuses au peuple marocain est le minimum en cette matière sensible.
La santé publique… réservée aux pauvres du Maroc ?
Ouzzine ne s’est pas contenté de la critique, il a soulevé une question existentielle sur la légitimité des politiques publiques :
« Pourquoi les responsables se font-ils soigner à l’étranger ? »,
considérant que leur recours aux soins à l’extérieur est une reconnaissance implicite de l’échec du système de santé, et un message négatif envoyé aux citoyens pauvres qui ne trouvent ni médecin ni lit d’hôpital.
Une crise de confiance croissante
Selon le secrétaire général du Mouvement populaire, une large part de la jeunesse considère la pauvreté et la précarité comme une « fabrication humaine », un résultat direct de politiques publiques défaillantes, et non comme une fatalité.
Cela devrait, selon lui, alerter le gouvernement et le pousser à agir rapidement, plutôt que de continuer à émettre des communiqués rassurants face à une réalité qui dément ces messages.
Conclusion
Par cette intervention, Ouzzine a brisé le mur épais séparant le discours politique officiel de la voix de la rue, utilisant le langage du citoyen ordinaire et posant une question directe au Chef du gouvernement :
Le gouvernement a-t-il le droit de promettre sans tenir ? Peut-on bâtir la confiance sans reconnaître d’abord l’échec ?
Ce qu’Ouzzine a exprimé n’était pas une simple métaphore, mais une traduction réelle de la perte de confiance d’une large frange de la jeunesse dans les institutions de leur pays. Aujourd’hui, cette jeunesse ne vit pas seulement en marge d’un système de santé défaillant, mais aussi en marge de politiques publiques qui ne considèrent ni sa souffrance ni ses espoirs comme prioritaires ou légitimes.
À une époque où l’on demande à la jeunesse de croire en l’avenir et de se réconcilier avec la nation, elle se retrouve confrontée à un système sanitaire incapable d’assurer les services les plus élémentaires, à des salaires insuffisants pour couvrir les frais médicaux, et à l’absence de médecins ou de centres de santé adéquats.
Comment demander à ce jeune de croire en un « Maroc possible », alors qu’il doit faire la queue pendant des heures pour un rendez-vous médical souvent annulé, ou vendre son téléphone portable pour acheter des médicaments pour sa mère ?
La situation dépasse un simple dysfonctionnement des services ; elle constitue une menace douce au contrat social. Quand un jeune sent que sa dignité est bafouée et que l’inégalité est la norme, il se replie sur la colère, le sarcasme, voire la fuite.
Ainsi, la question d’Ouzzine n’est pas seulement une interrogation d’opposant, mais la voix de millions qui attendent que l’État tourne enfin son regard vers eux, eux qui ont choisi d’être partie prenante de leur présent et de leur futur.
C’est le cri d’une génération qui ne demande pas l’impossible, mais simplement une part dans une patrie juste, qui soigne ses enfants avant de panser les blessures de sa réputation.