À la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc à Rabat, le public n’était pas de simples spectateurs passifs de conférences académiques, mais des participants impliqués dans une immersion vivante dans une civilisation qui continue de palpiter dans les détails du quotidien marocain.
Intitulée « La civilisation andalouse : ses racines et ses prolongements dans le Royaume du Maroc », cette rencontre, organisée par l’Association Andalous avec le soutien du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a offert un cadre propice pour redonner vie à un héritage enraciné, toujours vivant dans les villes de Fès, Tétouan, Salé, Tanger et Rabat.
Dans son allocution, le président de l’association, M. Toufiq Alaoufir, n’a pas seulement évoqué la grandeur historique de l’Andalousie, mais a insisté sur l’urgence de la considérer comme un « projet renouvelé » pour affirmer les valeurs de pluralité et de vivre-ensemble, à l’heure où les débats sur les identités, l’ouverture et le repli sont plus brûlants que jamais.
La rencontre a également connu une présence institutionnelle notable, représentée par M. Hassan Mazdawi, conseiller du ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, qui a été l’un des piliers essentiels dans la réussite de cet événement culturel. M. Alaoufir n’a pas manqué de saluer, dans son discours, le rôle actif de M. Mazdawi dans le soutien à l’organisation de la rencontre et la mise en lumière de sa portée symbolique et culturelle, donnant ainsi une dimension institutionnelle claire à cet engagement pour la sauvegarde de l’héritage andalou.
Mais l’Andalousie vit-elle encore parmi nous ? Ce ne sont pas seulement les universitaires qui peuvent répondre à cette question, mais aussi la voix du maâlem Abdel Salam dans une ruelle de Fès, racontant aux visiteurs étrangers les secrets de la sculpture en stuc andalou, ou encore les mains des femmes de Tétouan brodant des robes de mariage sur le mode andalou, sans oublier les vibrations du oud dans une soirée musicale intimiste dans une médina.
La rencontre ne s’est pas limitée à un débat intellectuel : elle a été ponctuée d’un concert andalou animé par le groupe Chorale Andalous, dirigé par l’artiste Moulay Hicham El Belguiti, transformant la théorie en émotion, et redonnant au patrimoine une voix, un souffle, une mémoire vivante.
Pour sa part, l’acteur associatif Abdelhakim Hilali a déclaré que « la civilisation andalouse a toujours été un phare du vivre-ensemble, une source de tolérance, et une expérience humaine qui a enrichi l’imaginaire des peuples, notamment sur les deux rives de la Méditerranée ». Il a rappelé que le Maroc a accueilli cet héritage avec fierté, l’intégrant dans son tissu culturel grâce à une politique d’ouverture et de reconnaissance, menée depuis des siècles par les souverains marocains.
Cette réalité se lit aujourd’hui dans les ruelles anciennes, les noms des places, les habitudes culinaires, les expressions artistiques… autant de reflets d’un inconscient collectif nourri par l’esprit andalou sans forcément le nommer.
Les quatre axes développés lors de la rencontre ont porté sur : l’héritage civilisationnel commun entre le Maroc et l’Andalousie, une lecture critique de la place de l’Andalousie dans l’orientalisme, les migrations morisques vers le Maroc, et l’enseignement du patrimoine andalou dans une perspective euro-méditerranéenne. Mais au-delà des titres, le message principal reste clair : le patrimoine andalou ne doit pas rester confiné aux colloques, mais circuler dans les écoles, les quartiers, les foyers, les cafés, et les espaces de vie… Il doit devenir une matière vivante, transmise aux nouvelles générations.
Dans cette optique, les intervenants ont salué les efforts du Roi Mohammed VI pour la restauration des médinas historiques empreintes de cette mémoire, le soutien à la recherche académique, ainsi que l’appui aux formations musicales andalouses, inscrivant ainsi la culture comme un levier d’identité et un outil d’influence douce dans les relations internationales du Maroc.
En clôture, M. Alaoufir a insisté : « L’Andalousie n’est pas une histoire de douleur, mais une leçon d’espoir. » Il a lancé un appel à porter haut ce flambeau, à transmettre cet esprit aux jeunes générations, non seulement par des récits historiques, mais en faisant de la culture andalouse un vecteur vivant de diversité et de cohabitation dans le Maroc contemporain.