Alors que les effets de la sécheresse et de la baisse du pouvoir d’achat continuent de fragiliser les petits éleveurs dans plusieurs régions du Maroc, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présidé mercredi à Rabat une réunion du Conseil de surveillance du Groupe Crédit Agricole du Maroc. Cette rencontre était consacrée à l’évaluation des résultats de l’institution et à la présentation de son plan d’action pour les années à venir, notamment en ce qui concerne l’accompagnement du monde rural.
Sur le papier, les chiffres présentés semblent rassurants : un produit net bancaire atteignant 4,5 milliards de dirhams à la fin de l’année 2024, et une hausse de plus de 30 % des indicateurs financiers. Ce bilan a été salué comme une performance remarquable démontrant la solidité de l’institution.
Mais derrière ces indicateurs comptables, une question essentielle reste posée sur le terrain : les éleveurs ressentent-ils réellement les effets positifs de ces résultats ?
De nouveaux financements… mais pour qui ?
L’un des principaux éléments mis en avant lors de la réunion concerne la prise en charge, par l’État, du coût du programme de soutien aux éleveurs et de reconstitution du cheptel national, avec un budget dépassant les 700 millions de dirhams.
Ce programme est censé bénéficier à environ 50 000 éleveurs et clients du Crédit Agricole du Maroc, à travers des facilités de crédit et des rééchelonnements de dettes.
Cependant, des expériences antérieures soulèvent des doutes quant à l’accessibilité effective de ces dispositifs pour les petits éleveurs, souvent confrontés à des procédures administratives complexes, à un manque d’accompagnement, et à l’absence de suivi efficace dans les zones rurales isolées.
Entre chiffres et cheptel : les attentes dépassent les promesses
Bien que les autorités affirment agir dans le cadre des Hautes Orientations Royales, une grande partie des éleveurs estiment que les véritables problèmes dépassent largement le cadre d’un soutien ponctuel.
Sur le terrain, les défis sont nombreux : flambée des prix des fourrages, difficultés de commercialisation, baisse de la rentabilité, et perte de confiance envers les institutions intermédiaires. D’où une interrogation cruciale : ces financements atteindront-ils réellement les agriculteurs les plus vulnérables, ou resteront-ils bloqués dans les rouages bureaucratiques ?
Recommandations pour un financement à impact social réel
Pour assurer l’efficacité et l’équité de ce programme, plusieurs pistes sont suggérées :
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Simplification de l’accès au crédit et allègement des conditions d’éligibilité.
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Intégration des coopératives locales dans la mise en œuvre pour garantir un ancrage territorial.
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Suivi rigoureux des bénéficiaires pour éviter les détournements et garantir la transparence.
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Mise en place de commissions régionales d’évaluation et de suivi sur le terrain.
Conclusion
La réunion du Conseil de surveillance du Crédit Agricole du Maroc traduit une volonté affichée d’accompagner le monde rural et de renforcer sa résilience. Toutefois, cette ambition ne portera ses fruits que si les résultats financiers positifs de la banque se traduisent par un véritable impact social, visible et tangible pour les petits agriculteurs.
En attendant, le monde rural demeure attentif aux signaux concrets, espérant que les engagements annoncés dépassent les communiqués pour devenir des mesures pratiques, à la hauteur des défis quotidiens.