Dans son article publié sur le site Adrar, le journaliste Mustapha El Fenn pose une question en apparence anodine : Combien de constantes constitutionnelles avons-nous au Maroc ? Mais ce questionnement cache un exercice plus profond : celui de décoder les rapports de pouvoir dans le champ sportif, et plus largement, dans la structuration symbolique de l’autorité au Maroc.
“أنا قادر على أن أنهي مهامك بمكالمة هاتفية واحدة مع سيدنا”..
Un journaliste qui parle de politique à travers le prisme du sport
Derrière le ton parfois ironique ou satirique de l’auteur, se dessine une critique frontale d’un phénomène qu’il qualifie implicitement de dangereux : celui de la personnification du pouvoir dans les institutions sportives, en particulier dans la Fédération de football.
Lorsqu’il évoque l’émergence d’un « cinquième invariant constitutionnel non écrit », El Fenn ne parle pas de lois, mais de pratiques informelles, d’individus qui se positionnent au-dessus de la critique, voire au-dessus du débat public. En d’autres termes, il dénonce une forme de sacralisation du pouvoir sportif, dans un pays où, paradoxalement, le Roi lui-même a déclaré : « La sacralité est à Dieu seul. Je suis un roi citoyen. »
Sport ou souveraineté ? Le pouvoir symbolique des « intouchables »
Les allusions de l’auteur sont nombreuses et transparentes : un responsable du football, dont les performances sont contestées, se voit attribuer un rôle quasi monarchique, usant parfois — si l’on en croit certaines sources citées — d’un lien supposé direct avec le Palais pour imposer ses décisions.
Plus encore, Mustapha El Fenn va jusqu’à suggérer que certains seraient prêts à “jouer” non seulement avec l’image du pays, mais aussi avec la vie des joueurs eux-mêmes — évoquant des épisodes liés à la pandémie du Covid-19, et même des soupçons de corruption dans des compétitions sportives (« 500 euros le penalty »).
Ces affirmations ne sont pas anodines. Elles visent à poser la question du contrôle démocratique dans un secteur devenu hautement symbolique et politiquement sensible : le football.
Une critique adressée aussi à la presse et à l’opinion ?
L’article ne critique pas seulement les responsables. Il interpelle aussi indirectement l’opinion publique, et peut-être même certains médias nationaux, jugés trop complaisants ou silencieux face à l’arrogance d’un « discours unique », incarné par des figures sportives devenues médiatiquement omniprésentes.
Lorsque l’auteur ironise sur les déclarations du type :
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« Je suis le meilleur de l’histoire du football marocain »,
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« Vous ne trouverez pas mieux que moi pour gagner le titre »,
il ne s’agit pas simplement de satire. C’est un appel à la démythification d’un modèle basé sur la personnalisation excessive du mérite.
Ce qui n’a pas été dit… mais fortement suggéré
Plusieurs questions demeurent ouvertes :
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Pourquoi cet article maintenant ?
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Faut-il y voir un signal d’alarme émanant de cercles proches du pouvoir ?
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Est-ce le reflet d’un malaise plus large au sein des élites sportives et politiques sur la concentration du pouvoir décisionnel ?
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Le football marocain est-il devenu un miroir déformant des dérives institutionnelles du pays ?
En conclusion : un article contre la « fabrication » des idoles ?
Mustapha El Fenn ne fait pas que critiquer une personne. Il décortique un phénomène : celui de la construction d’une autorité qui échappe à tout cadre critique, institutionnel ou médiatique. Et ce, dans un moment où le Maroc, plus que jamais, a besoin d’une gouvernance transparente, équitable, et respectueuse de l’intelligence collective.
Son article est donc à lire non comme une chronique sportive, mais comme une mise en garde — polie mais ferme — contre une dérive autoritaire dans l’un des domaines les plus sensibles de la vie publique marocaine : le sport, devenu un théâtre de pouvoir.