À une époque où les gouvernements rivalisent pour façonner des environnements médiatiques libres et performants, le journalisme marocain semble encore pris au piège d’une zone grise, coincé entre promesses répétées et réformes ajournées.
À chaque nouveau communiqué du Syndicat National de la Presse Marocaine, les grandes interrogations ressurgissent : sommes-nous réellement en train de bâtir un système médiatique solide et résilient ? Ou l’État se contente-t-il de gérer une « attente perpétuelle », évitant ainsi le pari audacieux d’une réforme structurelle ?
Le communiqué du 15 juin 2025 ne se présente pas seulement comme un rappel des droits professionnels ; il s’apparente à un document politique porteur d’inquiétudes profondes. Il révèle un vide législatif qui, s’il n’est pas comblé rapidement, risque de se transformer en crise structurelle durable.
Le Syndicat National de la Presse Marocaine tire la sonnette d’alarme : un appel à rompre avec l’immobilisme législatif et à conditionner les subventions au respect des engagements sociaux
Dans un communiqué dense et stratégique, le Bureau exécutif du Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM) a tenu, le dimanche 15 juin 2025, une réunion cruciale marquée par l’inquiétude croissante sur l’avenir du secteur. Ce rendez-vous s’inscrit dans une dynamique entamée depuis le congrès de décembre 2023, dans l’objectif de faire pression pour des réformes concrètes et urgentes.
Alors que le gouvernement multiplie les discours sur la réforme du paysage médiatique, le flou entoure toujours les textes juridiques censés structurer le secteur. Cela pousse à s’interroger :
Sommes-nous face à une stratégie d’ajournement déguisée ? Et à qui profite réellement cette attente prolongée ?
Un silence inquiétant sur la refonte du Code de la presse
Le SNPM rappelle avoir mobilisé plus de six mois de travail, avec l’organisation de 16 colloques nationaux et internationaux, des questionnaires et consultations ouvertes, pour produire une feuille de route détaillée soumise à la Commission provisoire chargée de la gestion du secteur. Pourtant, aucun calendrier législatif clair n’a été communiqué.
Ce silence devient de plus en plus assourdissant, surtout lorsqu’il s’agit d’un secteur aussi sensible que les médias. La réforme législative attendue est-elle réellement à l’agenda politique ? Ou bien se heurte-t-elle à des résistances internes, voire à une volonté de statu quo ?
Convention collective : un engagement en attente de concrétisation
Le communiqué met en lumière un point central : la nécessité de lier les subventions publiques à une convention collective globale. Cette exigence, inscrite dans les accords antérieurs avec le ministère, tarde à voir le jour. Le SNPM fustige certaines entreprises médiatiques qui bénéficient toujours du soutien de l’État tout en se soustrayant à leurs obligations sociales.
Une question se pose alors :
Comment justifier une aide publique à des structures qui alimentent la précarité professionnelle ? Et quelles garanties sont mises en place pour assurer la traçabilité et la finalité des fonds publics ?
Vers des actions syndicales sur le terrain
Le syndicat annonce des actions de protestation, comme le port de brassards ou des sit-in internes, dans les entreprises concernées. Cette montée en pression vise à créer un rapport de force favorable à l’application immédiate des accords sociaux. Mais cette stratégie sera-t-elle suivie par la base syndicale ? Et surtout, les pouvoirs publics entendront-ils ce signal fort avant que la contestation ne monte d’un cran ?
RTM et SNRT : des avancées à saluer mais un avenir incertain
Le SNPM reconnaît des progrès notables au sein de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT), notamment en matière de salaires et de primes. Mais il alerte également sur les changements structurels à venir, estimant que l’opacité qui les entoure est source d’angoisse pour les professionnels du secteur.
Là aussi, le syndicat se montre ferme : aucune réforme de fond ne saurait être légitime sans la consultation des principaux concernés. L’enjeu : éviter que les transformations à venir ne se fassent au détriment des droits acquis des travailleuses et travailleurs de l’audiovisuel public.
Une réorganisation interne qui s’accélère
En parallèle à ce travail de plaidoyer, le syndicat annonce la restructuration de ses sections régionales et sectorielles, avec la convocation prochaine du troisième Conseil fédéral national. Il s’agit de renforcer ses capacités d’organisation pour mieux accompagner les mobilisations futures.
En conclusion :
Ce communiqué du Syndicat national de la presse marocaine n’est pas seulement un document revendicatif : il pose les bases d’un débat de fond sur la gouvernance du secteur médiatique au Maroc.
Mais une interrogation majeure demeure :
Le Maroc est-il prêt à engager une réforme structurelle de son paysage médiatique ? Ou allons-nous continuer à gérer le provisoire, au risque d’épuiser les professionnels et de compromettre l’avenir d’une presse libre, crédible et responsable ?