Lecture de l’article d’Aziz Rabbah sur le partenariat maroco-kenyan
Par la rédaction de « Le Maroc Maintenant »
Dans son dernier article, l’ancien ministre Aziz Rabbah a choisi de mettre en lumière ce qu’il qualifie de « victoire diplomatique marocaine », à travers le soutien explicite du Kenya au plan marocain d’autonomie au Sahara et l’ouverture d’une ambassade kenyane à Rabat. Mais au-delà d’un simple constat, Rabbah inscrit cette avancée dans une vision stratégique plus large qui redessine les contours des relations entre le Maroc et le continent africain.
À travers une lecture analytique du texte, il apparaît que Rabbah, sans le dire explicitement, suggère que le Maroc ne gagne pas seulement un appui ponctuel, mais renforce son positionnement en tant qu’acteur structurant des équilibres africains, adoptant une diplomatie fondée sur la patience, la profondeur et la construction graduelle, plutôt que sur la confrontation ou l’alignement idéologique.
Le Kenya : début de cycle ou étape dans une stratégie de long terme ?
Lorsque Rabbah évoque le fait que le Kenya « était resté longtemps difficile à approcher », il reconnaît implicitement que le pari diplomatique était complexe, et que le Maroc a misé sur une stratégie de long terme et une persévérance calme.
Mais que signifie un tel revirement : voir le Kenya passer d’un soutien aux séparatistes à un partenaire du plan d’autonomie marocain ?
Est-ce seulement le fruit d’un changement de leadership à Nairobi ?
Ou bien reflète-t-il un changement de conscience au sein de l’Afrique elle-même, une prise de conscience de la nature profonde du conflit du Sahara comme symbole d’une bataille plus large pour l’unité du continent, sa souveraineté et son émancipation des logiques néocoloniales ?
Une déclaration kenyane qui dépasse la simple diplomatie
Le communiqué conjoint maroco-kenyan ne s’est pas contenté des formules diplomatiques habituelles. Lorsque le Kenya affirme que le plan d’autonomie est “l’unique approche durable” et exprime sa volonté de coopérer avec les pays partageant cette vision, il ne s’agit plus d’un simple acquiescement poli, mais d’un alignement politique assumé, qui pourrait ouvrir la voie à une reconfiguration des alliances africaines au bénéfice du Maroc.
Dès lors, des interrogations stratégiques surgissent :
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Sommes-nous à l’aube d’un bloc africain soutenant activement l’intégrité territoriale du Maroc ?
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La diplomatie marocaine entre-t-elle dans une nouvelle phase, passant de la défense réactive à l’initiative proactive, en tant que puissance d’influence continentale ?
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Et quel rôle les élites africaines sont-elles appelées à jouer dans cette redéfinition géopolitique ?
De la victoire diplomatique à la consolidation nationale
En conclusion de son article, Rabbah n’omet pas la dimension intérieure. Lorsqu’il évoque la nécessité d’une “front intérieur fort et uni”, il adresse un message subtil mais ferme : les succès à l’international restent vulnérables s’ils ne sont pas adossés à une société soudée, capable de résister aux manipulations, à la désinformation et aux tentatives de déstabilisation, qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’extérieur.
D’où cette question cruciale :
La dynamique interne est-elle à la hauteur de la stratégie externe ?
Disposons-nous aujourd’hui d’un appareil médiatique, d’élites et de politiques publiques à même de transformer ces succès diplomatiques en capital national durable, plutôt que de les réduire à des moments passagers de célébration ?
Au-delà des lignes : le Maroc propose un “projet africain”, pas seulement une position
Lorsque Rabbah affirme que le Maroc ne défend pas seulement sa cause nationale, mais propose un modèle de développement africain, une autre question s’impose :
Le Maroc est-il en train de se positionner comme un architecte central d’un projet africain alternatif, fondé non pas sur l’aide conditionnée ni les forums déclaratifs, mais sur des partenariats équitables, le respect mutuel et une vision de co-développement ancrée dans la souveraineté ?
Et si tel est l’horizon stratégique, l’Afrique est-elle prête à suivre cette voie ?
A-t-elle réellement tourné la page des clivages idéologiques instrumentalisés, qui ont longtemps alimenté les discours de division et de sécession ?
Conclusion
L’article de l’ancien ministre Aziz Rabbah ne se limite pas à consigner une réussite diplomatique. Il ébauche les contours d’un changement d’ère dans les relations maroco-africaines.
À travers notre lecture, nous constatons que le Maroc ne collectionne pas seulement des soutiens, mais il redéfinit sa place sur l’échiquier africain, avec calme, stratégie et ambition.