vendredi, juin 13, 2025
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Mascate et Damas : Quand la diplomatie a chuchoté dans l’ombre… Une solution pacifique a-t-elle été avortée avant que la Syrie ne tombe dans l’étau d’un conflit ouvert ?

Au milieu du vacarme des armes, de l’entrelacs des fronts et de la chute successive des villes, une table discrète fut dressée dans le calme de Mascate, la capitale omanaise. Là-bas, loin du tumulte médiatique et des déclarations enflammées, se sont tenues des négociations sensibles entre le régime syrien et des émissaires américains, par l’entremise de médiateurs régionaux. Ces discussions, dit-on, ont duré jusqu’à quelques jours seulement avant le « retour » de Farouk al-Char’a à Damas, à un moment où le régime de Bachar al-Assad semblait plus proche de la chute que de la survie.

Ce que révèle Al-Majalla à propos de ce canal diplomatique secret mérite une lecture approfondie : il ne s’agissait pas uniquement de sauver le journaliste américain enlevé, Austin Tice, mais plutôt d’un test discret des limites du pragmatisme américain, d’une tentative pour jauger la flexibilité du régime syrien sous pression, et d’une exploration du rôle que peut jouer un acteur comme Oman lorsqu’il devient un médiateur silencieux de la paix.

1. Pourquoi Mascate ? Et quelle est sa spécificité dans le système arabe ?

Le Sultanat d’Oman jouit d’une longue tradition de neutralité active, ce qui en fait un interlocuteur de confiance, de Washington à Téhéran, de Damas à Riyad. Mascate avait déjà prouvé son efficacité dans le dossier nucléaire iranien, refusant systématiquement les approches militaristes pour résoudre des crises politiques.

Mais cette fois-ci, les négociations de Mascate semblent être allées bien au-delà de la libération d’un otage. Elles contenaient en filigrane une esquisse de transition politique partielle, possiblement impliquant le retrait d’Assad, ou une réduction de ses prérogatives, voire au minimum, la mise en place de garanties politiques pour les parties impliquées, afin d’éviter l’effondrement de l’État syrien.

Question clé : Oman cherchait-elle à extraire le régime syrien de l’impasse sans l’humilier ni le faire tomber — à l’opposé de ce qu’avait tenté le Qatar dans sa médiation au Liban en 2008 ?

2. Farouk al-Char’a : l’homme d’une chance avortée ?

Farouk al-Char’a était perçu comme un homme d’État au sein du régime — diplomate chevronné, issu de l’institution, et non du système sécuritaire. Son retour soudain à Damas, en parallèle aux négociations de Mascate, a ravivé l’espoir d’une transition interne crédible, qui aurait pu préserver ce qu’il restait de l’institution syrienne, tout en offrant au peuple une alternative acceptable.

Mais la logique sécuritaire a fini par l’emporter sur la logique politique. Al-Char’a a été écarté progressivement, tandis que le général Ali Mamlouk voyait son étoile monter, envoyant ainsi un message clair : le régime avait opté pour une résolution sécuritaire, non politique. Tout projet de solution transitionnelle à visage civil semblait enterré dès sa naissance.

Cela pose une autre question : le retour d’al-Char’a n’était-il qu’une manœuvre tactique pour apaiser les pressions diplomatiques, sans réelle intention de l’intégrer dans une solution durable ?

3. Washington et la demi-mesure : pourquoi n’être pas allé plus loin ?

Les détails suggèrent que Washington était disposée à négocier — mais pas prête à en payer le prix politique. Tandis que Roger Carstens, l’envoyé spécial de Trump pour les otages, circulait entre Beyrouth et Damas, Trump menaçait publiquement de frapper Assad.

Ce paradoxe révélait une impasse stratégique :
comment se désengager de la crise syrienne sans offrir une victoire à l’Iran, et sans céder le contrôle de la transition à Moscou ou à Damas ?

Les discussions de Mascate apparaissent alors comme un test discret de l’idée d’un “retrait graduel” d’Assad, et non une initiative réelle avec garanties concrètes. C’est sans doute ce manque de clarté qui a provoqué l’échec des négociations : Damas voulait un allègement des sanctions et le retrait des troupes américaines avant toute concession ; Washington, elle, attendait des gestes sans rien offrir en retour.

4. Le moment du règlement est-il passé ? La division arabe a-t-elle tué la médiation ?

Le tableau régional esquissé ici dévoile une incapacité collective du monde arabe à produire une dynamique de sortie de crise. Entre l’alignement sur des axes extérieurs et les priorités contradictoires des puissances régionales, aucune vision commune n’a émergé. Oman, isolée dans sa tentative de médiation, n’a pas pu imposer une feuille de route. Le vide arabe a donc laissé la place à Moscou, à Téhéran, puis plus récemment aux Émirats et à l’Égypte dans le rétablissement des liens avec Damas.

Question finale : et si ce qui s’est joué à Mascate représentait la dernière fenêtre stratégique pour une transition négociée — désormais refermée par la militarisation et la realpolitik ?

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