vendredi, juin 13, 2025
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« Un million d’emplois »… Une grande promesse à l’épreuve du réel : Sommes-nous face à une crise de vision ou à un échec d’exécution ?

Dès le début de son mandat, le gouvernement d’Aziz Akhannouch a affiché un slogan ambitieux : « Créer un million d’emplois en cinq ans », présenté comme le pilier d’un projet social et de développement qualifié à l’époque d’audacieux. Mais après trois années de gouvernance, les chiffres officiels brossent un tableau bien différent, révélant un écart inquiétant entre le discours politique et la réalité économique.

Le gouvernement mesurait-il dès le départ l’écart entre ses promesses et les capacités réelles du pays ?
Une véritable feuille de route avait-elle été élaborée, ou s’agissait-il d’un slogan électoral rapidement vidé de son contenu ?

Des chiffres qui inquiètent : l’ambition se heurte à la réalité

Lors d’une séance de questions orales à la Chambre des conseillers, le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, a révélé que le nombre réel de postes créés jusqu’au premier trimestre 2025 ne dépasse pas 350 000. Bien que ce chiffre soit meilleur que celui de 2024, il reste loin du rythme nécessaire pour atteindre l’objectif d’un million.

Pire encore, 75 000 emplois ont été perdus durant la même période, réduisant le solde net à environ 280 000 emplois.

Ce rythme suffira-t-il pour atteindre l’objectif dans les deux années restantes ?
Existe-t-il un plan clair pour rattraper le retard, ou s’achemine-t-on vers une promesse enterrée dans le silence ?

Une carte de l’emploi déséquilibrée… Et où est passée l’agriculture ?

Le ministre a précisé la répartition sectorielle des postes créés :

  • 216 000 dans le secteur des services

  • 80 000 dans l’industrie et l’artisanat

  • 50 000 dans le bâtiment et les travaux publics

  • Absence totale du secteur agricole

Ce dernier point soulève de nombreuses interrogations :

Le gouvernement a-t-il délibérément tourné le dos à l’agriculture comme levier d’emploi ?
Ou s’agit-il d’un repositionnement silencieux des priorités sans débat public ni vision régionale ?
Que devient l’emploi rural dans cette équation ?

Les régions… le grand oublié des politiques d’emploi

Alors que la « régionalisation avancée » est régulièrement évoquée, aucune donnée territorialisée n’est disponible sur les créations d’emplois. Or, les inégalités territoriales sont au cœur de la fracture sociale marocaine.

Quel rôle jouent les conseils régionaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de l’emploi ?
La planification est-elle toujours centralisée à Rabat, sans prise en compte des dynamiques locales ?
Comment garantir un développement équilibré sans une lecture fine des besoins et des potentiels régionaux ?

Un aveu officiel… sans évaluation concrète

Younes Sekkouri a reconnu avec franchise que les chiffres sont « insuffisants », évoquant des déséquilibres structurels et une « sous-activité ». Mais cette reconnaissance, bien que louable, en appelle une autre :

Les hypothèses de départ ont-elles été revues ?
Le slogan « un million d’emplois » a-t-il fait l’objet d’une réévaluation à mi-parcours ?
Ou persiste-t-on à maintenir une promesse déconnectée des capacités réelles du pays ?

L’éducation… l’absente de la bataille pour l’emploi

Le chiffre le plus alarmant révélé par le ministre est sans doute celui-ci : 910 000 chômeurs sur 1,6 million n’ont ni diplôme ni formation. Un constat qui reflète l’échec cumulé des politiques éducatives depuis des décennies.

À cela s’ajoute un autre chiffre accablant : 300 000 élèves quittent l’école chaque année, sans accéder à des formations alternatives, car la formation professionnelle n’est accessible qu’à partir de 15 ans.

N’est-ce pas une aberration que de laisser des milliers de jeunes dans un vide institutionnel pendant plusieurs années ?
Où sont les programmes de prévention sociale censés combler ces lacunes ?
Comment réconcilier éducation et insertion professionnelle dans un pays confronté à une telle hémorragie scolaire ?

Formation professionnelle : ambitions fortes, capacités limitées

Malgré les éloges du ministre à l’égard du système de formation professionnelle — notamment dans les filières de santé où la demande explose — le nombre de places disponibles pour les décrocheurs scolaires ne dépasse pas 80 000, alors que les besoins dépassent les 900 000.

Peut-on sérieusement espérer relever le défi avec une offre aussi limitée ?
Le nouveau programme de formation par alternance (100 000 places annoncées) suffit-il à combler le déficit structurel ?
N’est-ce pas là une réponse ponctuelle à un problème systémique ?

Intermédiation : un chantier flou, des résultats invisibles

Le ministre a évoqué un budget « important » alloué à l’intermédiation pour l’emploi, élargie aux non diplômés. Pourtant, aucun chiffre n’a été fourni sur l’impact réel de ces efforts sur la réduction du chômage.

Ces mécanismes ont-ils été évalués ?
Y a-t-il un lien concret entre les agences d’emploi et les entreprises ?
Ou assiste-t-on à une politique d’intermédiation déconnectée du marché réel ?

Vers une promesse silencieusement abandonnée ?

Plus qu’un retard arithmétique, les chiffres révélés par le ministre trahissent une faiblesse dans la vision et la méthode.

Sans lutte réelle contre l’abandon scolaire, sans réinvention de la formation professionnelle, sans territorialisation de la politique de l’emploi, le slogan du « million d’emplois » risque de rejoindre le cimetière des promesses non tenues.

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