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Guelmim sous la guillotine : Sommes-nous face à un procès contre la corruption ou à un règlement de comptes politique ?

Dans une scène sans précédent, la chambre criminelle de première instance près la Cour d’appel de Marrakech a prononcé, le 4 avril 2025, des peines de prison et des amendes à l’encontre de plusieurs responsables et élus de la commune de Guelmim, dont l’actuel président du conseil communal, après leur condamnation pour dilapidation et détournement de fonds publics durant une période de gestion antérieure.

Et si ces jugements ont partiellement répondu aux attentes de l’opinion publique en matière de reddition de comptes pour les affaires de deniers publics, le timing de ce procès et son contexte politique et social soulèvent des questions légitimes quant aux limites de l’indépendance judiciaire, à la nature du système juridique et de contrôle, ainsi qu’à la capacité de promouvoir une véritable culture de la reddition des comptes au Maroc.

Des peines lourdes… mais le dossier reste ouvert

Les condamnations vont jusqu’à cinq ans de prison ferme assorties d’amendes importantes (100 000 dirhams), ainsi que des peines plus légères avec sursis et des réparations civiles atteignant 10 millions de dirhams au profit de la partie civile.

L’affaire remonte, dans son essence, à la période de gestion de la commune de Guelmim sous feu Abdelwahab Belfkih. Cependant, la réouverture du dossier et la mise en cause de responsables actuels et anciens, dont l’actuel président affilié à un parti politique membre du gouvernement, ouvrent la voie à des lectures multiples.

La corruption administrative : entre loi et pratique

Au-delà de l’aspect purement judiciaire, cette affaire met en lumière les défis structurels profonds auxquels font face les collectivités territoriales au Maroc, notamment :

  • La faiblesse des mécanismes de contrôle interne.

  • La complexité des procédures de passation des marchés publics.

  • La fragilité des mécanismes de suivi et d’évaluation.

  • L’imbrication des intérêts personnels avec l’intérêt général, en l’absence de garde-fous efficaces.

Ce qui pose des questions fondamentales :

Ces affaires résultent-elles d’un vide juridique ou d’une mauvaise application de la loi ?
Ce procès marque-t-il un tournant vers un changement radical ou reste-t-il une exception dictée par la pression civile et médiatique ?

Le rôle de la société civile : levier de vigilance… ou cri dans le désert ?

La section régionale de l’Association marocaine de protection des deniers publics a joué un rôle clé dans la relance de l’affaire, après son classement initial. L’association, par des démarches juridiques et institutionnelles, a adressé une requête à la présidence du ministère public pour rouvrir le dossier, ce qui fut effectivement accompli. Cela montre l’importance du rôle de la société civile dans la promotion de la transparence et de la culture du contrôle citoyen.

Mais cela soulève une interrogation plus large :

Faut-il toujours attendre des initiatives civiles pour déclencher les poursuites ?
Où sont les organes de contrôle officiels et que deviennent leurs rapports et recommandations ?

Entre lecture politique et indépendance judiciaire

Il est essentiel de distinguer le rôle du pouvoir judiciaire – censé être impartial et se fonder sur le droit – des interprétations politiques que suscitent parfois de tels dossiers, surtout lorsqu’ils impliquent des figures partisanes ou des rivalités locales.

Il convient ici de rappeler le respect du principe de présomption d’innocence, et la nécessité de traiter ces affaires sans instrumentalisation ni lecture qui puisse nuire à la réputation des institutions ou des personnes concernées, tout en renforçant la confiance citoyenne dans l’impartialité et l’intégrité de la justice.

Les messages implicites : sanction ou signe de réforme ?

Qu’elles soient perçues comme politiques ou strictement judiciaires, ces condamnations interrogent la réalité de la gouvernance dans bon nombre de communes au Maroc. Elles soulignent aussi l’urgence de réformer en profondeur les mécanismes institutionnels qui encadrent la relation entre l’élu, l’argent public et le principe de redevabilité.

Reste alors la grande question :

Guelmim annonce-t-elle une nouvelle ère de reddition des comptes ?
Ou bien s’agit-il d’un cas isolé qui ne mènera pas à une refonte globale du système ?


Conclusion : Vers un État de droit et d’institutions ?

L’affaire de Guelmim ne se résume pas à des chiffres ou à des sanctions, mais au message qu’elle adresse à une société usée par la mauvaise gestion publique. Elle constitue un appel clair à :

  • Renforcer la transparence dans les collectivités territoriales.

  • Activer les mécanismes de prévention de la corruption, au-delà de la seule sanction.

  • Garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire face à toute pression ou influence.

  • Valoriser le rôle de la société civile comme partenaire et non comme adversaire dans la protection des ressources publiques.

Ce qui s’est passé à Guelmim, qu’on le considère comme un procès exemplaire ou un moment exceptionnel, demeure une alerte qui impose une réflexion sur des réformes profondes pour restaurer la confiance du citoyen dans ses institutions et rappeler que nul n’est au-dessus de la loi.

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