Dans un communiqué qualifié par plusieurs observateurs de « déclaration fondatrice », le Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM) a publié, le 11 juillet 2025, une prise de position ferme, dénonçant la manière avec laquelle le gouvernement a procédé à l’adoption des projets de lois relatifs à la réorganisation du Conseil National de la Presse (CNP) et au statut des journalistes professionnels.
D’un discours de concertation à un avertissement ferme
Ce communiqué dépasse le simple cadre d’un retour critique. Il s’agit d’un manifeste politique et professionnel, qui soulève des questions de fond sur la place des journalistes dans l’architecture législative en cours de préparation, accusant le gouvernement d’avoir ignoré les engagements de dialogue précédemment pris, notamment par le ministre de tutelle.
Le SNPM accuse ouvertement l’approche actuelle de marginaliser les journalistes en tant que corps organisé, en opposition au traitement réservé aux éditeurs, considérés comme une entité légitime et structurée.
Une légitimité construite dans le temps
L’un des points forts du texte réside dans la manière dont il documente historiquement la légitimité du syndicat dans la création même du Conseil National de la Presse. En retraçant les luttes des années 90, les initiatives nationales et internationales, et les négociations avortées, le SNPM rappelle que le CNP n’est pas né d’un décret, mais de décennies de revendications menées depuis la base.
Ce rappel historique sert à ancrer le syndicat comme acteur fondateur, non comme simple partenaire consultatif.
Quand l’État considère les journalistes comme des individus épars
Ce que dénonce le plus vigoureusement le syndicat, c’est la philosophie implicite du projet de réforme : un système électoral basé sur le vote individuel des journalistes, assimilé à une vision atomisée et concurrentielle du corps professionnel, réduisant la fonction représentative à une logique de sièges à occuper.
Cette approche est jugée comme contradictoire avec l’esprit du pluralisme démocratique, de l’auto-régulation et de la participation syndicale.
Au cœur du conflit : représentation, éthique et organes disciplinaires
Le SNPM exprime son désaccord frontal avec certaines dispositions centrales du projet, comme l’élargissement de la représentation des éditeurs aux dépens de celle des journalistes, ou encore la congélation de la part des journalistes dans les organes décisionnels du Conseil (notamment le comité disciplinaire et la commission d’éthique).
Le communiqué dénonce un recul démocratique clair, qui remettrait en cause les acquis obtenus dans la version précédente de la loi, en contradiction avec les principes constitutionnels et les standards internationaux.
Vers une confrontation ouverte ?
Par l’annonce de la formation de comités de suivi, de la préparation d’un mémorandum de plaidoyer, d’une conférence de presse nationale et la convocation du Conseil Fédéral, le syndicat envoie un message limpide : la SNPM entre en résistance institutionnelle.
Mais loin d’un affrontement fermé, le syndicat laisse la porte ouverte au dialogue, tout en se préparant à un bras de fer de long terme si ses alertes restent ignorées.
Analyse finale : une bataille pour la démocratie professionnelle
Ce communiqué n’est pas un simple cri d’alarme. Il met à nu un conflit de légitimités : celle d’un gouvernement qui veut cadrer la presse via des mécanismes administratifs, et celle d’un syndicat qui défend une profession structurée, régie par ses propres règles et portée par une mémoire collective de lutte.
Dès lors, la question n’est plus :
Va-t-on réformer le secteur ?
Mais bien :
Comment, avec qui, et au bénéfice de quel modèle de presse ?
Car vouloir réformer la presse sans les journalistes, c’est courir le risque de ne plus réformer la presse… mais de la redéfinir contre elle-même.