Dans une déclaration forte, presque solennelle, le président de la Fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaa, a affirmé sans détour que « la victoire à la Coupe d’Afrique des Nations n’est plus un objectif à débattre, mais une nécessité. » Ce message, porté dans un moment de communion avec les médias sportifs et en présence du sélectionneur national Walid Regragui, fixe la barre très haut… peut-être trop haut. Alors, cette ambition est-elle fondée sur des bases solides ou sur une dynamique d’euphorie post-Mondial ?
Un contexte national porteur, mais exigeant
Depuis l’épopée historique des Lions de l’Atlas lors du Mondial 2022 au Qatar, les attentes ont explosé. Le peuple marocain espère enfin une consécration continentale, absente depuis 1976. Mais le football n’est pas fait que d’enthousiasme populaire. Il faut aussi une stratégie, de la stabilité et un environnement sain.
Lekjaa semble conscient de cette complexité : il appelle à l’union de toutes les composantes – institutions, médias, joueurs, encadrement – autour de la sélection. Mais ce consensus peut-il réellement se construire à l’approche d’un événement aussi stratégique que la CAN, où chaque erreur peut se payer très cher médiatiquement et politiquement ?
L’infrastructure : entre fierté et précipitation
Le président de la FRMF insiste sur l’état d’avancement des travaux dans les stades : Casablanca, Marrakech, Fès, Agadir… Il promet que le complexe Moulay Abdellah de Rabat sera prêt dès septembre, tout comme celui de Tanger. Ces stades, dit-il, incarnent « la compétence marocaine à 100% ».
Mais certains retards ont été pointés par des observateurs, notamment autour des stades annexes comme Moulay Hassan ou El Barid à Rabat. L’objectif déclaré est ambitieux : faire de la CAN 2025 une vitrine du Maroc organisateur et convaincre le monde de sa capacité à coorganiser le Mondial 2030 avec l’Espagne et le Portugal. Peut-on réussir un tel double pari ?
Un enjeu continental et géopolitique
Le discours de Lekjaa ne se limite pas au sport. Il s’inscrit dans une logique diplomatique plus large. Depuis la désignation du Maroc comme coorganisateur de la Coupe du Monde 2030, le pays joue une nouvelle carte : celle d’un leadership africain capable de porter des événements d’envergure mondiale.
Dans ce contexte, la CAN devient un test grandeur nature. La seule édition organisée sur le continent fut celle de l’Afrique du Sud en 2010. Le Maroc veut montrer qu’il peut faire mieux. Mais avec quel niveau d’implication du secteur privé ? Quel soutien des partenaires africains et européens ? Quelle gouvernance des chantiers ?
Questions clés à poser :
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Le Maroc est-il prêt à assumer ce niveau d’attente populaire et internationale ?
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Les infrastructures seront-elles prêtes sans compromis sur la qualité et la sécurité ?
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Le staff technique pourra-t-il répondre à la pression d’un « objectif non négociable » ?
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Quelle place pour une critique médiatique libre et constructive dans cette dynamique collective ?
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La CAN 2025 peut-elle vraiment servir de tremplin pour le Mondial 2030 ou risque-t-elle de révéler des fragilités internes ?
Conclusion réflexive :
Le discours de Fouzi Lekjaa est habile, mobilisateur, mais aussi risqué. En politisant l’objectif sportif, il transforme un tournoi en enjeu national. Si la victoire est au rendez-vous, ce sera un moment historique. Mais en cas d’échec, les retombées symboliques pourraient être lourdes.
Le Maroc a les moyens de réussir. Mais comme le rappelle l’histoire du football africain, les trophées ne se gagnent pas dans les discours… mais sur le terrain, avec humilité, travail et cohésion.