Dans un contexte national marqué par l’inflation, la raréfaction des ressources hydriques, et une défiance croissante envers l’action publique, le secrétaire général du Mouvement Populaire, Mohamed Ouzzine, a choisi un meeting régional à Rabat pour dénoncer ce qu’il qualifie de « sécheresse de la vision gouvernementale ». Loin des discours conjoncturels, sa sortie soulève des questions structurelles sur la capacité du gouvernement à anticiper les crises et à maintenir les équilibres sociaux.
Un Aïd al-Adha sans sacrifice : un symptôme révélateur ?
« Le peuple marocain est le seul peuple musulman à ne pas avoir pu sacrifier pendant l’Aïd », a lancé Ouzzine, pointant du doigt un « nouvel exceptionnalisme marocain » non pas dû à la sécheresse climatique, mais à la sécheresse de la gouvernance. Tout en saluant la sagesse de l’appel royal à renoncer au sacrifice, il critique sévèrement l’approche gouvernementale, accusée d’avoir persisté dans l’importation de bétail de pays éloignés, au détriment de l’élevage local, déjà fragilisé.
Derrière cet épisode, se dessine une gestion erratique du secteur agricole, malgré des milliards de dirhams injectés dans le Plan Maroc Vert, piloté auparavant par Aziz Akhannouch. Ouzzine interpelle : « Que raconterons-nous aux générations futures quand elles découvriront que nous avons célébré l’Aïd sans sacrifice, et que nous avons assisté à l’effondrement du cheptel national ? »
Retraites : vers une précarisation silencieuse ?
Le leader haraki ne s’est pas arrêté là. Il a également critiqué la réforme des retraites, estimant que l’exécutif tente de faire payer la facture aux citoyens, via le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et l’augmentation des cotisations. Il a rappelé que l’État continue de subventionner plusieurs établissements publics, ce qui est en soi une bonne chose, mais ne devrait pas se faire aux dépens des pensions des Marocains.
Cette posture soulève une question plus large : dans quelle mesure le gouvernement dispose-t-il d’une stratégie soutenable pour garantir la pérennité des régimes sociaux sans creuser davantage les inégalités ?
Crise de confiance ou début d’alternative politique ?
En arrière-plan, le discours d’Ouzzine s’inscrit dans une dynamique de repositionnement stratégique du Mouvement Populaire. Il affirme que le parti demeure « un acteur incontournable dans l’équation politique nationale », tout en appelant ses militants à « être fiers de leur appartenance, notamment dans une région au fort ancrage historique du parti ».
Son insistance sur la discipline interne, le respect des institutions du parti et le rejet des querelles médiatiques sonne comme une volonté de se différencier d’autres formations éclatées par des luttes de leadership. « Le MP ne construit pas ses positions à travers les cris sur les réseaux sociaux, ni par des messages codés dans la presse », a-t-il martelé, affirmant qu’aucune scission n’est à déplorer dans ses rangs.
Une critique qui interroge la gouvernance
Au-delà du discours partisan, les propos de Mohamed Ouzzine mettent en lumière les limites de la planification publique au Maroc. De l’échec du Plan Maroc Vert à la gestion chaotique du cheptel, en passant par une réforme impopulaire des retraites, c’est toute une série de paris gouvernementaux qui semblent s’effondrer sous le poids des réalités sociales et économiques.
Dans un contexte où des institutions comme la Cour des comptes, le Conseil supérieur de l’éducation ou encore les rapports de la Banque mondiale pointent la nécessité de refonder les politiques publiques sur des bases de transparence, d’anticipation et de participation, la sortie d’Ouzzine pourrait être l’amorce d’un débat plus large sur la responsabilité politique, la cohérence stratégique et l’écoute réelle des besoins des citoyens.
