Alors que le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit a, dans des déclarations officielles, affirmé que le Maroc ne compte aucune zone privée d’eau potable et que l’approvisionnement se fait régulièrement sans coupure, la ville de Khouribga se trouve au cœur d’un débat croissant autour de ce droit essentiel.
Les autorités locales, représentées par le pacha de la ville, ont pris la décision d’interdire toute manifestation ou marche prévue le mardi 12 août 2025 sur la place « Al-Moujahidine » ou dans tout autre lieu de la ville, sous prétexte que l’événement constituerait un « trouble » à l’ordre public et qu’il coïncidait avec une activité culturelle et artistique programmée au même endroit.
Appel à la manifestation et revendications claires
L’Association marocaine des droits humains – section de Khouribga, qui a lancé l’appel à manifester, avait formulé trois revendications principales :
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Mettre fin aux coupures répétées et aux faibles débits d’eau.
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Améliorer la qualité de l’eau dite « potable ».
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Supprimer la taxe d’assainissement ajoutée aux factures d’eau.
Dans son communiqué, l’association a exprimé son étonnement de ne pas voir son nom mentionné dans la décision d’interdiction, estimant que cela constituait une nouvelle forme de « négation de son existence » et la privation de son droit à mener des activités légales, après le refus répété des autorités d’accepter son dossier légal au niveau local et son exclusion de l’accès aux salles publiques et aux soutiens.
La voix de la rue… témoignages depuis le cœur de la crise
Lors d’une tournée de terrain et du suivi des pages locales sur les réseaux sociaux, plusieurs habitants de Khouribga ont exprimé leur colère face aux coupures récurrentes d’eau.
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Fatima (ménagère, quartier Al-Quds) confie : « Nous sommes obligés de stocker l’eau dans des bidons, mais quand les coupures durent, même l’eau stockée devient impropre à l’usage. »
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Youssef (ouvrier, quartier Al-Fath) souligne que l’achat d’eau en bouteilles est devenu un fardeau financier supplémentaire pour les familles, surtout avec la hausse des prix.
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Hassan (retraité, quartier Al-Massira) décrit l’eau comme étant « trouble au goût et à l’odeur », ajoutant que la taxe d’assainissement suscite davantage d’indignation que le service lui-même.
Les photos publiées par les habitants sur Facebook et Instagram montrent des robinets à sec, des citernes mobiles distribuées dans certains quartiers et des files d’attente pour remplir des bidons en plastique, ce qui illustre l’âpreté de la souffrance quotidienne.
Réponse des autorités : un problème conjoncturel et des travaux d’urgence
La direction régionale du Centre a, pour sa part, expliqué que l’interruption résultait d’une « fuite urgente » sur la conduite d’amenée principale alimentant Khouribga et Oued Zem, coïncidant avec une vague de chaleur et une augmentation exceptionnelle de la demande en eau. Elle a assuré que les équipes de maintenance sont intervenues pour réparer l’avarie et que l’approvisionnement reviendrait progressivement à la normale.
Mais ces explications n’ont pas convaincu nombre d’habitants, qui estiment que la crise perdure depuis des mois et que les réponses restent ponctuelles et non structurelles.
Entre le discours officiel et la réalité du terrain : questions en suspens
Ce contraste entre les déclarations « Pas de soif au Maroc » et la situation à Khouribga soulève des interrogations pressantes :
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Est-il suffisant de qualifier le problème de « panne technique » pour expliquer une souffrance récurrente tout au long de l’année ?
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Où se situe la défaillance : dans les infrastructures, dans la gestion, ou dans la communication avec les citoyens ?
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Comment restaurer la confiance entre la population et les institutions si le discours officiel reste éloigné de l’expérience quotidienne des gens ?
Le droit à l’eau… et le droit à la parole
L’eau n’est pas seulement un service public : c’est un droit fondamental garanti par les conventions internationales auxquelles le Maroc a adhéré. L’interdiction administrative d’une manifestation pacifique visant à revendiquer ce droit pose une double problématique : d’une part l’atteinte à la liberté d’expression et de réunion, et d’autre part le non-recours à ces revendications populaires comme opportunité de dialogue et d’implication des habitants dans la recherche de solutions.
Conclusion
La crise de Khouribga n’est pas un incident isolé, mais le signe de défis plus larges dans la gestion des ressources en eau et l’assurance d’une continuité de service de qualité acceptable. Entre un discours officiel rassurant et une réalité de terrain qui se plaint, l’enjeu demeure la capacité des parties prenantes — autorités, institutions et société civile — à se retrouver autour d’une même table pour négocier des solutions durables, loin d’une logique d’interdiction et au plus près d’un principe de partenariat et de confiance.