Le tribunal administratif de Rabat a statué, jeudi 24 juillet 2025, de manière définitive en rejetant la demande de création du parti « Mouvement Démocratique Populaire », une scission du Mouvement Populaire. Mais derrière cette décision judiciaire, se profilent des interrogations plus profondes sur la réalité de la vie partisane au Maroc, les limites de la liberté d’organisation politique, et les tactiques du ministère de l’Intérieur pour redessiner la carte partisane.
Contexte : Scission interne ou rectification de trajectoire ?
L’initiative a été menée par Mohamed Fadili, ancien président du Conseil national du Mouvement Populaire, dans une démarche que certains ont interprétée comme une réaction à sa marginalisation au sein du parti, tandis que d’autres y ont vu une tentative de revitaliser un projet politique en perte de vitesse. Mais le ministère de l’Intérieur, après avoir reçu le dossier le 28 avril 2025, a choisi de le transmettre au tribunal administratif, qui a rendu un jugement de rejet fondé sur la conformité du dossier avec les dispositions de la loi organique relative aux partis politiques.
Au cœur de cette controverse, nous avons contacté M. Mohamed Ouzzine, secrétaire général du Mouvement Populaire, qui nous a affirmé – avec toute la franchise et la sincérité – qu’il refusait de tomber dans la logique du conflit ou de l’invective. Il a insisté sur le fait qu’il porte une grande estime et un profond respect à M. Mohamed Fadili, qu’il a qualifié de « père avec lequel nous pouvons être en désaccord parfois, mais dont nous ne pouvons nier les mérites ni effacer la place dans nos cœurs ».
Ouzzine a ajouté que Fadili avait toujours été un homme dont l’avis était recherché, et dont la sagesse était sollicitée au sein des structures du parti. Il a considéré que ce qui s’était passé n’était rien d’autre qu’un moment de « tentation politique », qui peut frapper toute personne lorsque les émotions brouillent les positions et que les sentiments de frustration ou de mise à l’écart prennent le dessus.
Un ton rare dans la scène politique marocaine, où il est peu commun d’entendre un dirigeant parler d’un dissident avec autant de hauteur humaine. Ce qui nous amène à poser la question : assistons-nous à une véritable rupture organisationnelle ou à une blessure affective susceptible d’être réparée ?
Et ce qui s’est produit, est-ce une rupture définitive ou simplement un épisode passager dans un contexte politique complexe et chargé d’émotions ?
Au-delà d’une simple décision administrative
Le rejet judiciaire de la création du nouveau parti met en lumière la relation complexe entre le pouvoir exécutif et les partis politiques, ainsi que le rôle croissant du tribunal administratif comme arbitre politique. Mais cette décision est-elle le fruit d’une lecture strictement juridique, ou s’inscrit-elle dans un plan non déclaré de reconfiguration du paysage partisan en vue des élections de 2026 ?
Ce qui ne se dit pas
En coulisses, certaines sources évoquent des pressions au sein du Mouvement Populaire pour bloquer toute initiative pouvant capter sa base électorale. D’autres parlent de « marchandages politiques » qui auraient été proposés, repoussant le projet en échange de promesses futures.
Dimension nationale : Crise de renouvellement des élites ou crise du système partisan ?
Cette affaire n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un contexte plus large où le paysage partisan marocain souffre d’une crise de légitimité et de représentativité. Le rejet de la création du nouveau parti, même s’il est entouré de justifications juridiques, relance le débat sur l’avenir du pluralisme politique au Maroc :
Jusqu’à quel point les nouvelles forces politiques ont-elles une chance réelle d’émerger ?
Et le système partisan est-il réellement capable de se renouveler de l’intérieur sans « explosions » organisationnelles ?
