Au cœur d’un été socialement tendu, les habitants d’Aït Boukmâz, dans la province d’Azilal, ont organisé une marche symbolique pour réclamer la fin de l’isolement. Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a répondu par une accusation directe : une « instrumentalisation politique » orchestrée par des élus de l’opposition. Cette posture n’a pas apaisé les tensions mais a plutôt soulevé des questions plus profondes sur la gestion du désarroi social dans les zones rurales.
Analyse du discours officiel : Akhannouch a affirmé que les revendications des habitants étaient « simples » et que la région n’était pas isolée du développement. Pourtant, il a qualifié la manifestation de « manœuvre politique » liée à un président de commune de l’opposition. Ce paradoxe met en lumière une ambiguïté du discours officiel : si les demandes sont légitimes et simples, pourquoi n’ont-elles pas été satisfaites ?
Chiffres clés du développement rural : Le Royaume dispose d’un réseau routier de plus de 57 000 km. Le Programme National des Routes Rurales (PNRR) a permis de faire passer l’accès aux routes de 54 % en 2005 à plus de 80 % en 2016. Dans la province d’Azilal, 154 km de routes ont été réalisés entre 2012 et 2014 pour un coût de 68 millions de dirhams. Le Programme de réduction des disparités territoriales et sociales (PRDTS) prévoit plus de 22 000 km de routes pour 28 milliards de dirhams, bénéficiant à 810 000 habitants dans les zones montagneuses.
Témoignages du terrain : Un habitant d’Aït Boukmâz témoigne : « Nos enfants marchent 5 km pour aller à l’école, les routes sont défoncées, le dispensaire n’est ouvert que deux jours par semaine ». Un militant local ajoute : « Pas d’électricité continue, pas de soins médicaux réguliers, nous vivons dans un isolement complet ».
Réactions de l’opposition : La députée Fatima Tamni a qualifié la manifestation d’« appel oublié contre l’échec du gouvernement », remettant en cause les slogans de « justice territoriale » et de « développement rural ». Elle s’interroge : « Qu’a réalisé ce gouvernement en quatre ans ? » et critique la lenteur dans la mise en œuvre des projets annoncés.
Contexte plus large : Ce qui se passe à Aït Boukmâz est le reflet d’une situation plus générale dans le Maroc rural : routes dégradées, absence de médecins, infrastructures éducatives insuffisantes. Ces réalités sont confirmées par les rapports de la HCP et d’autres organismes nationaux.
Questions essentielles :
- Le gouvernement dispose-t-il d’une stratégie cohérente pour le monde rural ou agit-il uniquement par réaction ?
- Revendiquer des droits devient-il une provocation politique ?
- Où sont passés les fonds spéciaux pour la réduction des inégalités territoriales ?
Conclusion : La réaction d’Akhannouch aux protestations d’Aït Boukmâz ne dévoile pas seulement une posture politique, mais révèle une crise plus profonde dans la manière dont le gouvernement conçoit le développement. Accuser l’opposition de manipulation ne remplace pas la nécessité de réponses concrètes. Tant que les routes de l’Atlas resteront désertées par les investissements, les promesses resteront lettre morte et les cris des habitants, inaudibles dans les salons ministériels.