Alors que l’État multiplie les discours sur la justice sociale et l’égalité des chances, notamment pour les enfants et les jeunes, les révélations de la part du groupe parlementaire du Parti de la Justice et du Développement (PJD) sur la baisse drastique du nombre de bénéficiaires du programme national des colonies de vacances suscitent une inquiétude croissante quant à la réalité des politiques publiques dans ce domaine.
Une baisse alarmante : un chiffre qui interpelle
Selon la question écrite adressée au ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, M. Mehdi Bensaïd, la baisse atteint jusqu’à 70 % par rapport aux saisons précédentes, touchant en particulier les colonies dites permanentes, cœur historique du programme national.
Ce chiffre n’est pas qu’un simple indicateur statistique : il révèle une crise structurelle du système de colonie de vacances publique, qui semble perdre sa vocation sociale au profit d’une logique de restriction d’accès.
Vers une privatisation douce ? Quand les centres jeunesse changent de main
Le groupe parlementaire du PJD évoque également la cession de la gestion de plusieurs centres d’accueil et d’estivage à des entités à but lucratif.
Ce processus suscite des interrogations légitimes sur un possible désengagement de l’État et l’ouverture des structures jeunesse au secteur commercial.
Quels sont les critères de sélection de ces gestionnaires ? Et comment assurer que ces espaces restent accessibles aux familles modestes et aux associations éducatives ?
Crise de confiance ou volonté d’exclusion ?
La question qui se pose avec insistance est la suivante : la baisse de participation est-elle due à des défaillances organisationnelles ou à une stratégie d’exclusion déguisée, ne profitant qu’à des associations privilégiées ?
Dans les deux cas, c’est l’enfant marocain — et avec lui tout un pan de la jeunesse — qui est exclu d’un espace de socialisation, d’apprentissage et de construction citoyenne.
Entre discours gouvernemental et réalité de terrain
Le ministère concerné a souvent promis des « colonies nouvelle génération », dans un cadre modernisé.
Mais le terrain raconte une toute autre histoire : rareté des places, centralisation des ressources, et monopolisation du programme par certains réseaux associatifs proches des cercles décisionnels.
Où est passée la promesse d’un accès équitable ? Et comment expliquer que des milliers d’enfants soient privés de leur droit à des vacances éducatives encadrées ?
Quelles perspectives pour les politiques jeunesse dans un État qui se dit « social » ?
Ce recul frappe au cœur même des ambitions de l’État social. Il met en lumière la fragilité de l’écosystème de l’éducation non formelle, qui dépend encore trop souvent de logiques arbitraires et de financements orientés.
Faut-il s’attendre à voir les colonies de vacances remplacées par des activités événementielles lucratives ? Le modèle solidaire est-il en train d’être démantelé au profit d’un modèle élitiste ?
En conclusion : qui a encore droit aux colonies de vacances ?
La question demeure :
Les colonies sont-elles en train de devenir un privilège réservé à une élite sociale et associative ?
La fracture entre enfants des grandes villes et ceux des zones rurales ou défavorisées va-t-elle s’accentuer davantage ?
Et surtout, le Maroc est-il prêt à renoncer à l’un de ses piliers éducatifs les plus symboliques ?
Ce qui se joue ici dépasse de loin un simple programme estival : c’est le rapport entre l’État, sa jeunesse, et l’égalité réelle d’accès aux ressources publiques qui est en jeu.