mardi, juin 17, 2025
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La presse marocaine : entre le piège de la tutelle et l’espoir d’indépendance… Les chaînes vont-elles enfin se briser ?

Réglementation de la profession journalistique au Maroc : Sommes-nous à un tournant décisif pour redéfinir la relation entre l’État, les médias et la société ?

Lors de son intervention devant la Chambre des représentants, Mohamed Mehdi Bensaïd, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a semblé vouloir réorganiser les cartes d’un dossier qui, depuis des décennies, oscille entre logique de tutelle politique et aspiration à l’indépendance professionnelle. En affirmant que « la presse est un service public et une nécessité pour construire toute démocratie », le ministre ne se contente pas d’une description académique, mais suggère un changement nécessaire dans la vision institutionnelle de l’État envers un secteur considéré comme la colonne vertébrale de tout système démocratique authentique.

Cependant, est-ce que la simple déclaration d’intentions et la répétition des dispositions constitutionnelles suffisent à rassurer le corps journalistique et l’opinion publique que nous sommes en train de vivre une réforme profonde ? Ou bien la réalité professionnelle, marquée par des conflits et des déclarations contradictoires, reflète-t-elle une fragilité dans la structure organisationnelle nécessitant plus qu’une simple révision légale ?

Entre texte constitutionnel et réalité professionnelle : un fossé de confiance

Le recours du ministre à la Constitution de 2011 pour justifier la légitimité du Conseil national de la presse reflète une prise de conscience officielle de la nécessité d’ancrer l’autorégulation sur des bases démocratiques. Cependant, les interventions de l’opposition, notamment celle du chef du groupe du progrès et du socialisme, ont montré que le temps politique et législatif est compté, et que ce qui a été appelé « comité provisoire » pour gérer le secteur de la presse et de l’édition n’a pas produit de consensus, mais a plutôt approfondi la division au sein du corps professionnel, en particulier avec le Syndicat national de la presse marocaine.

Ici se pose une question fondamentale : l’autorégulation, telle qu’elle a été mise en œuvre, a-t-elle réellement été un outil pour l’indépendance de la presse, ou est-elle devenue à son tour une extension d’équilibres politiques délicats ?

La presse marocaine : crise d’organisation ou crise de confiance ?

En affirmant que l’autorégulation vise à protéger la profession des « pratiques non éthiques » telles que la désinformation et la diffusion de fausses nouvelles, il semble que le ministre adopte une vision protectrice plus qu’une vision habilitante. À une époque où la numérisation redéfinit le concept de la presse et les moyens d’influence, il est peut-être nécessaire de repenser le concept même d’autorégulation : s’agit-il d’une régulation éthique ou d’un renforcement professionnel ? Souhaitons-nous une presse soumise ou une presse interrogative ?

Le paradoxe est que le Maroc, qui se présente comme une plateforme de stabilité régionale, fait face en interne à une faiblesse des outils de médiation entre le journaliste, la société et les centres de décision, ce qui affaiblit l’influence de la presse en tant que force de proposition et la place dans une position de défense constante de sa légitimité.

La réforme : d’un moment juridique à un moment politique

Ce que le ministre a révélé sur la prochaine publication d’un nouveau texte législatif encadrant le travail du Conseil national de la presse est une étape importante, mais le plus important est : comment les professionnels seront-ils impliqués dans l’élaboration de ce texte ? Et allons-nous dépasser la logique des « nominations politiques déguisées » vers un choix libre et transparent reflétant réellement la volonté collective des professionnels ?

Et cette période sera-t-elle exploitée pour établir un média public et communautaire capable d’accompagner les grandes transformations, notamment face aux défis géopolitiques et médiatiques qui secouent la région ?

Les monuments historiques : question de mémoire et d’identité

Dans la partie culturelle de la session, le ministre a mentionné la restauration de 40 sites archéologiques et la dépense de 800 millions de dirhams depuis 2021. Bien que ces chiffres soient importants, ils restent dénués de sens s’ils ne sont pas liés à une vision globale de la question de l’identité et de l’histoire, dépassant la logique de la restauration physique pour construire un récit national cohérent.

Pourquoi ne pas intégrer la presse culturelle dans ce projet, pour qu’elle soit partenaire dans la narration de ces monuments, reliant les nouvelles générations à leurs racines civilisationnelles ? Et comment transformer des sites comme Volubilis de simples vestiges silencieux en leviers de conscience historique et de diplomatie culturelle ?

En conclusion :

Entre le discours sur la réforme des médias et la protection du patrimoine, l’État marocain semble chercher à élaborer une « vision douce » de l’exercice de la souveraineté culturelle et symbolique. Mais le succès de cette vision dépend de la crédibilité de la réforme, de l’indépendance de la presse, de la transparence des institutions et de leur capacité à écouter la diversité des voix.

Sommes-nous à un moment de renouvellement du contrat moral entre les médias et l’État ? Ou est-ce une autre étape de gestion des équilibres, en attendant une réforme reportée ?

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