Lors d’une séance parlementaire consacrée à l’examen du projet de loi sur la fiscalité des collectivités territoriales, Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD), a adressé un appel direct au ministère de l’Intérieur pour ouvrir, dès à présent, le chantier des préparatifs des prochaines élections. Mais derrière cette demande technique se cache un enjeu bien plus profond : l’inquiétude face à une politisation prématurée du plus grand événement sportif jamais organisé par le Maroc – la Coupe du Monde 2030.
Protection de la compétition électorale ou offensive contre le gouvernement Akhannouch ?
En présence du ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, Bouanou a déclaré que certaines parties ont déjà commencé à “exploiter la Coupe du Monde comme carte électorale”. Une phrase qui peut sembler anodine, mais qui révèle un conflit politique sous-jacent autour de la légitimité du discours gouvernemental et de l’usage des succès nationaux comme levier électoral.
Des questions fondamentales émergent :
-
Qui détient la légitimité de représenter les réussites nationales ?
-
L’État dispose-t-il aujourd’hui de mécanismes capables de protéger l’image des grands événements collectifs contre l’instrumentalisation politique ?
-
L’opposition craint-elle d’être réduite au silence dans un paysage médiatique potentiellement remodelé au profit du pouvoir ?
Du Parlement à la HACA : le PJD hausse le ton
Ce n’est pas la première fois que le PJD exprime ses craintes d’une exploitation politique du Mondial 2030. En mars dernier, Abdelilah Benkirane, secrétaire général du parti, a adressé une plainte officielle à la présidente de la HACA, Latifa Akharbach, contre la chaîne 2M, accusée d’avoir diffusé un spot de propagande politique déguisée glorifiant l’action du gouvernement Akhannouch.
Ce spot, diffusé aux heures de grande écoute sous le titre “Grands accomplissements, plus grandes ambitions”, associait l’organisation du Mondial à des mesures gouvernementales liées à l’éducation, au logement, au programme “Forsa” pour les porteurs de projets, au soutien social direct et à l’assurance maladie obligatoire.
La plainte du PJD dénonçait le caractère trompeur de la présentation, affirmant qu’il s’agissait d’une propagande politique maquillée en contenu informatif, induisant ainsi le public en erreur.
« Deuxième mi-temps » ou campagne électorale ? Qui possède la mémoire collective du Mondial ?
Le passage le plus symbolique de la séquence fut l’utilisation de l’expression “deuxième mi-temps”, perçue comme une allusion directe au mandat gouvernemental en cours, présenté comme une continuation victorieuse du projet national.
Mais peut-on vraiment s’approprier un succès collectif pour des objectifs partisans ?
Et dans quelle mesure un citoyen ordinaire peut-il distinguer entre fierté nationale et manœuvre électoraliste ?
Ce que redoute réellement le PJD
À travers ses prises de position répétées, le PJD semble exprimer une crainte d’un déséquilibre structurel du jeu politique, particulièrement en matière de couverture médiatique et de visibilité institutionnelle.
Mais derrière cette alerte, se cache peut-être une autre interrogation :
Le Mondial 2030 marquera-t-il une célébration de l’unité nationale ou deviendra-t-il un terrain de lutte pour le pouvoir électoral ?
