Texte du Dr Abdelnabi Aidoudi – Rédigé selon la ligne éditoriale de Maroc Maintenant
À une époque où les langues se livrent à une lutte acharnée dans l’espace public, et où la langue arabe subit une pression croissante — que ce soit dans les médias, l’enseignement ou l’administration —, il devient crucial de repenser sa place. Non pas dans une optique sentimentale ou identitaire étroite, mais à travers une analyse stratégique reliant la langue à la psychologie, à la cohésion sociale, à la culture, et aux équilibres politiques nationaux et internationaux.
Le Dr Abdelnabi Aidoudi ne défend pas ici la langue arabe à travers un plaidoyer idéologique, mais propose une réflexion graduelle partant de l’individu vers la société, de l’intérieur vers l’extérieur, posant la langue comme une clef de voûte de tout projet civilisationnel.
La langue comme soupape intérieure : l’expression est-elle un besoin ou une condition existentielle ?
Aidoudi insiste d’abord sur le rôle psychologique fondamental de la langue. Elle n’est pas qu’un outil de parole ou de transfert d’idées ; elle est une forme de respiration intérieure, une manière de cohabiter avec soi-même, d’apprivoiser peurs, douleurs, et conflits internes.
L’homme peut-il survivre sans exprimer ce qu’il ressent ?
Comment dépasser l’angoisse sans mots pour la dire ?
Ainsi, la langue devient ce qui libère le for intérieur, ce qui prévient l’asphyxie de l’âme. Pas étonnant alors que la psychologie, dans ses différentes écoles, consacre des chapitres entiers à l’étude du langage. Car c’est en parlant que l’on guérit ; c’est en formulant qu’on avance.
Le rôle social de la langue : diversité linguistique ou menace pour le tissu national ?
L’auteur élargit ensuite l’analyse au rôle structurant de la langue dans la société. Ce ne sont pas les lois ou les intérêts seuls qui créent une nation, mais une langue commune qui tisse les liens symboliques, transmet les valeurs, forge la mémoire collective.
Que se passe-t-il lorsque cette langue commune s’affaiblit ?
La diversité devient-elle une richesse ou un facteur de conflit ?
Quand la langue se fragilise, c’est tout le tissu social qui se fissure. Le pluralisme tourne à la fragmentation, et le vivre-ensemble perd son ancrage symbolique. Défendre la langue arabe, dans ce contexte, revient à défendre la continuité du pacte social.
Langue et pouvoir symbolique : qui contrôle les médias contrôle les esprits
La langue n’est pas neutre. Elle est un instrument d’influence, un outil pour construire le discours, orienter les perceptions, et façonner l’opinion publique. Son rôle dans l’éducation, la politique, la publicité, ou encore la propagande est crucial.
Que reste-t-il d’une langue absente des médias ?
Peut-elle encore jouer un rôle si elle est exclue des espaces d’influence ?
L’auteur met en garde : une langue marginalisée médiatiquement perd peu à peu son pouvoir sur les consciences. Et avec cette perte d’ancrage, c’est tout un pan de la souveraineté symbolique qui s’érode, laissant place à des langages dominants imposés de l’extérieur.
La langue comme vecteur de création : marginaliser l’arabe, c’est neutraliser l’esprit
Aucune création n’est possible sans langue. C’est une évidence souvent négligée. La pensée naît dans le langage, la culture s’épanouit dans le discours, la civilisation se construit à travers les mots.
Peut-on produire une pensée arabe tout en l’enseignant en français ?
La langue d’un autre peut-elle porter notre propre projet de société ?
Pour Aidoudi, affaiblir la langue arabe revient à miner l’imaginaire collectif. Penser, c’est parler. Créer, c’est exprimer. Et une identité qui ne s’exprime pas dans sa propre langue est une identité amputée.
Une question ouverte au Maroc et au monde arabe : que voulons-nous faire de cette langue ?
Après ce diagnostic, le Dr Aidoudi pose une question directe, essentielle :
Pourquoi dis-je « pour la langue arabe, et par elle »… et non pas « pour la langue française » ?
Il répond avec lucidité : « Parce que c’est dans la langue arabe que je me reconnais. C’est elle qui me constitue, me protège, et me relie à mon histoire. » Cette déclaration, plus qu’un choix personnel, devient un positionnement stratégique.