Analyse d’après une tribune de l’ancien ministre Aziz Rebbah – Mercredi 30 avril 2025
À un tournant historique crucial, l’ancien ministre Aziz Rebbah propose une vision ambitieuse : transformer le vaste chantier national en une véritable locomotive pour l’industrialisation et l’emploi, et non pas seulement en vitrine pour la Coupe du Monde 2030. Mais sommes-nous face à une stratégie claire et opérationnelle, ou plutôt devant une déclaration d’intention face à une réalité complexe, dominée par les multinationales et la fragilité du tissu industriel local ?
Rebbah affirme que le Maroc vit depuis plus de deux décennies une révolution de développement territorial et économique, qui s’accélère aujourd’hui dans la perspective du Mondial 2030. Toutefois, il insiste : ce dernier n’est qu’un facteur d’accélération, et non le moteur principal du développement, comme certains le prétendent.
Mais une question essentielle se pose :
Ce chantier accéléré peut-il réellement servir d’opportunité pour soutenir l’industrie nationale, ou va-t-il continuer à renforcer la dépendance du Maroc aux groupes étrangers dominateurs ?
Une carte d’investissement ambitieuse… mais qui en bénéficie réellement ?
Selon les chiffres avancés par Rebbah, l’État marocain injecte en moyenne 200 milliards de dirhams par an en investissements publics, un montant qui pourrait atteindre les 400 milliards à l’horizon 2030. Cette manne est répartie entre :
-
Les ministères et administrations centrales,
-
Les établissements publics,
-
Les collectivités territoriales,
-
Le soutien direct aux investisseurs privés.
Sur le papier, ce mécanisme est censé stimuler les chaînes de valeur locales. Pourtant, l’expérience montre que les grandes entreprises nationales restent souvent marginalisées.
Où va réellement cet argent public ?
Existe-t-il un contrôle sur son impact en matière de développement industriel local et de création d’emplois ?
Pourquoi les PME nationales peinent-elles à accéder aux marchés publics ?
La préférence nationale : de la loi à la réalité
Rebbah propose un ensemble de mesures volontaristes, notamment :
-
L’application généralisée de la préférence nationale dans les marchés publics,
-
L’obligation d’achat d’équipements fabriqués localement,
-
L’intégration des artisans et PME dans les marchés de gestion déléguée,
-
L’usage des matériaux locaux et du patrimoine architectural dans les projets publics.
Mais la mise en œuvre est le nerf de la guerre. Le Maroc dispose déjà de textes favorisant les entreprises nationales. Pourtant, les appels d’offres continuent d’échapper aux acteurs locaux.
Qui assurera l’application stricte de ces principes ?
L’administration publique est-elle réellement prête à revoir ses pratiques d’achat au profit de l’économie nationale ?
L’emploi au cœur de l’équation : entre promesse et attente
En conclusion, Rebbah relie le succès de cette politique à sa capacité à générer des emplois durables, notamment pour les jeunes diplômés, artisans et chômeurs. Encore faut-il répondre à plusieurs interrogations :
-
Quelle est la part réelle des grands projets dans l’emploi local ?
-
Les jeunes sont-ils formés et préparés pour intégrer ces chantiers ?
-
Existe-t-il un pont entre les besoins des projets et les compétences disponibles sur le marché du travail marocain ?
Conclusion analytique : de l’investissement à la souveraineté économique
La tribune d’Aziz Rebbah ouvre un débat essentiel à un moment critique. Après les plans sectoriels comme Emergence, Green Morocco ou Maroc Numérique, l’enjeu est désormais de faire du chantier du développement un levier de souveraineté économique, et non une simple exposition d’infrastructures pour les caméras du monde.
Ce chantier sera-t-il celui des Marocains… ou seulement celui des investisseurs étrangers ?