Le message de Houcine Yamani n’est pas un simple communiqué syndical, mais un appel pressant à toutes les institutions de l’État face à une impasse stratégique qui dépasse la raffinerie elle-même pour interroger l’avenir de la souveraineté énergétique du Maroc.
À l’heure où le monde entier est engagé dans une course à l’énergie, le Maroc se retrouve sans raffinerie, sans vision claire, « Dans un marché instable marqué par une concentration croissante des profits entre les mains de quelques grands acteurs, des questions se posent sur le rôle des autorités de régulation et l’efficacité des mécanismes de contrôle des prix et de garantie d’une concurrence loyale. »
Une décision judiciaire qui prolonge l’espoir… mais jusqu’à quand sans soutien politique ?
Le mardi 21 avril 2025, le tribunal de commerce de Casablanca a rendu une nouvelle décision autorisant la poursuite de l’activité de la société SAMIR pour trois mois supplémentaires, malgré sa liquidation judiciaire prononcée depuis le 21 mars 2016.
Cette décision, bien qu’administrative, traduit la volonté du pouvoir judiciaire de maintenir vivante l’espérance d’une relance au lieu d’opter pour le démantèlement de l’outil industriel et la vente aux enchères de la raffinerie en tant que ferraille.
Mais une question majeure demeure :
Pourquoi le gouvernement continue-t-il de se désengager totalement ? Peut-on réellement sauver un secteur aussi stratégique sans volonté politique ferme ?
De la liquidation au sabotage industriel : un coût immense pour l’économie nationale
Depuis l’arrêt de la production, la raffinerie de Mohammedia n’est plus qu’un monument industriel à l’abandon, accumulant des pertes colossales. La valeur de ses actifs, estimée à plus de 21 milliards de dirhams, se détériore progressivement, tandis que les dettes se creusent et que les équipements se dégradent.
À cela s’ajoute une interrogation essentielle :
Où sont les rapports officiels évaluant les pertes cumulées depuis 2016 ? Le Maroc peut-il se permettre de tourner définitivement le dos à sa seule unité de raffinage ?
Perte des compétences nationales… et dérive du marché des carburants
Le drame de SAMIR ne réside pas uniquement dans la faillite industrielle, mais aussi dans la dilapidation d’un savoir-faire national : des centaines d’ingénieurs, de techniciens et d’ouvriers spécialisés ont été mis sur la touche, sans solution de rechange.
Parallèlement, le marché des hydrocarbures est livré à lui-même, sous l’emprise d’acteurs dominants, sans contrôle des prix ni garantie de qualité. Yamani dénonce :
Un système de monopole, des profits excessifs estimés à plus de 80 milliards de dirhams, et l’inefficacité de l’organe constitutionnel de la concurrence. Pourquoi le Conseil de la concurrence reste-t-il inactif face à une situation aussi grave ? Qui bénéficie réellement de la paralysie de SAMIR ?
Des solutions existent… mais l’État garde le silence
Yamani ne se contente pas d’alerter, il propose aussi des pistes concrètes :
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Cession à des opérateurs privés,
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Partenariat public-privé,
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Nationalisation par compensation de la dette,
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Ou encore autogestion ouvrière.
Cependant, toute solution commence par un prérequis fondamental :
Une clarification immédiate de la position du gouvernement sur l’avenir du raffinage au Maroc. Pourquoi refuse-t-il de révéler les détails des accords d’investissement dans le secteur pétrolier ? Et où en est la stratégie nationale pour la sécurité énergétique du pays ?
Conclusion : ranimer la souveraineté énergétique ou capituler devant les importateurs
Le message de Houcine Yamani est limpide : la bataille pour SAMIR n’est pas qu’une affaire syndicale ou judiciaire. Elle pose un véritable dilemme stratégique pour le Maroc :
Choisira-t-il la voie de la souveraineté énergétique, de la relance industrielle, et de la valorisation du capital humain national ? Ou se résignera-t-il à devenir un simple consommateur dépendant, au profit d’un oligopole qui dicte sa loi sur les prix et les politiques ?