Dans le contexte des grandes mutations économiques que connaît le Maroc, et face à la nécessité d’attirer les investissements étrangers tout en consolidant les capitaux nationaux, la question de la sécurité économique devient centrale.
C’est dans cette perspective que le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, en partenariat avec le Conseil de la concurrence, a organisé une conférence intellectuelle lors du Salon international de l’édition et du livre de Rabat, le mardi 22 avril 2025, autour du thème :
« Le rôle de la justice dans la consolidation de la sécurité économique », sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI – que Dieu l’assiste – et sous la supervision du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication – secteur de la culture.
Mais que signifie réellement la « sécurité économique » dans le contexte marocain ? Et en quoi la justice, dans ses différentes juridictions et spécialisations, peut-elle être un acteur stratégique de la confiance économique ?
Une justice spécialisée au service de l’environnement des affaires : quel état des lieux et quels enjeux ?
Dans son intervention d’ouverture, Khadija Benjelloun, cheffe du Pôle de la justice spécialisée au sein du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, a posé le cadre général de la conférence. Elle a affirmé que la justice n’est pas seulement un outil de règlement des litiges, mais un pilier fondamental pour garantir la sécurité juridique et réaliser le développement économique.
Elle a souligné que la modernisation des juridictions commerciales et administratives est une nécessité stratégique qui accompagne l’ambition du Maroc de se positionner comme un hub régional attractif pour l’investissement. Cela soulève une question de fond :
Les juridictions spécialisées disposent-elles aujourd’hui des ressources humaines et matérielles suffisantes pour assurer la célérité des décisions, la qualité des jugements et la stabilité de la jurisprudence ?
De l’expérience pratique au rôle du juge : qu’est-ce qui a changé dans la justice commerciale ?
Mohamed Meljaoui, premier président de la Cour d’appel commerciale de Tanger, a apporté un éclairage issu de la pratique judiciaire. Il a souligné que la justice commerciale marocaine est appelée à statuer rapidement, car elle traite un domaine où la réactivité est essentielle.
Il a rappelé que le Code de commerce est un ensemble de dispositions spécifiques adaptées aux réalités du monde des affaires, faisant ainsi des tribunaux commerciaux des garants de la continuité de l’entreprise.
Mais cela soulève une interrogation :
Comment concilier rapidité des décisions avec respect des droits de la défense et qualité de l’appréciation judiciaire ?
Meljaoui a également mis l’accent sur l’importance de la formation continue des magistrats, de la spécialisation interne aux tribunaux et de l’unification de la jurisprudence pour éviter toute insécurité juridique.
Existe-t-il une coordination effective entre les juridictions commerciales et administratives ? Et un cadre institutionnel garantit-il l’harmonisation de leurs approches ?
Justice administrative et climat des affaires : un acteur de la protection ou un levier de développement ?
De son côté, Hamid Ould El Bilad, président du tribunal administratif de Rabat, a insisté sur le rôle du cadre juridique dans la création d’un environnement propice à l’investissement. Il a souligné que la justice administrative protège l’investisseur contre les abus potentiels de l’administration, renforçant ainsi la confiance des acteurs économiques.
Mais une nouvelle question émerge :
La justice administrative peut-elle, à elle seule, pallier les lenteurs et les lourdeurs procédurales ? Et les textes de loi actuels sont-ils suffisamment adaptés à l’évolution des litiges économiques ?
Vers une justice économique performante : sommes-nous sur la bonne voie ?
Cette conférence a mis en lumière une prise de conscience institutionnelle de l’importance de la justice économique, tout en révélant l’existence de lacunes systémiques à combler :
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Quelle est la place réelle du Conseil de la concurrence dans cette dynamique ?
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Les tribunaux disposent-ils de bases de données actualisées sur les litiges économiques pour orienter les politiques publiques ?
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Quelle est l’état d’avancement de la digitalisation judiciaire pour accélérer les décisions dans les litiges économiques ?
En conclusion, le Maroc semble avancer vers une justice économique plus spécialisée, plus agile et mieux alignée avec les exigences du climat des affaires, mais la réussite de cette transformation nécessite plus que des intentions : elle exige un engagement concret, une réforme structurelle et une vision à long terme.