mardi, juin 17, 2025
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Mehdaoui de nouveau devant la justice : les plaintes judiciaires sont-elles devenues une arme contre la critique journalistique ?

Entre une condamnation sévère en première instance et un nouveau report… L’affaire Mehdaoui révèle la tension entre le pouvoir et la presse

Alors que le débat sur la liberté d’expression au Maroc prend de l’ampleur, le nom du journaliste Hamid El Mehdaoui refait surface après que le tribunal de première instance de Rabat a décidé de reporter son audience au 6 mai prochain, dans deux nouvelles affaires le concernant, initiées par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi.

Ce dossier ne concerne plus uniquement un journaliste, mais devient un test politique pour évaluer la capacité de la justice marocaine à garantir l’équilibre entre le droit d’un responsable public à protéger sa réputation et le droit du citoyen à l’information, tout en respectant la liberté de critique légitime du journaliste.

De « Badil » aux alternatives judiciaires : qui juge qui ?

Le journaliste et ancien directeur du site “Badil”, connu pour ses positions critiques, fait désormais face à deux nouvelles plaintes pénales, après avoir déjà été condamné à un an et demi de prison ferme et à une lourde amende de 1,5 million de dirhams, dans le cadre de la première plainte déposée par le même ministre.

Mais une question essentielle s’impose :

Sommes-nous face à une accumulation judiciaire sélective visant Mehdaoui ?
Quelle est la légalité de multiples poursuites engagées par la même partie plaignante pour des faits similaires dans un même contexte critique ?

Lecture juridique : quelles sont les limites de la « diffamation » dans la loi marocaine sur la presse ?

Les documents de l’affaire indiquent que la troisième plainte accuse Mehdaoui d’“atteinte à la vie privée, diffamation et invention de faits dans le but de nuire”, conformément aux articles 72, 83, 84 et 89 de la loi 88.13 sur la presse et l’édition.

Mais une question fondamentale demeure :

La notion de diffamation s’applique-t-elle lorsqu’il s’agit d’un responsable public faisant l’objet d’une critique journalistique dans l’exercice de ses fonctions ?
Peut-on qualifier de « diffamation » la diffusion d’informations ou d’opinions relatives à l’action politique d’un ministre de la Justice ?

L’article 72 reconnaît explicitement le droit du journaliste à exprimer ses opinions, tant qu’il n’y a ni incitation à la haine, ni fausses informations délibérées. La question est donc : la justice a-t-elle prouvé que Mehdaoui avait l’intention de nuire ? Et les accusations ont-elles été vérifiées avant l’ouverture des poursuites ?

Entre justice et dissuasion : qui perd le plus ?

Indépendamment de l’issue judiciaire, la répétition des plaintes contre les journalistes, surtout dans des contextes de critique politique, envoie des messages ambigus à l’opinion publique et au monde de la presse.

L’objectif est-il de défendre l’honneur d’un ministre ou de faire taire un journaliste dérangeant ?
Et un pays qui parle de “nouveau modèle de développement” et de “libertés constitutionnelles” peut-il condamner un journaliste à une amende équivalente au budget annuel d’un petit média ?

L’opinion publique comme troisième acteur dans l’équation

Depuis le verdict de la première affaire, plusieurs voix journalistiques et militantes ont exprimé leur inquiétude face à l’instrumentalisation du droit pénal dans les affaires d’opinion, appelant à une approche fondée sur le respect des droits fondamentaux de tous.

Le report de l’audience à mai est-il une opportunité pour l’apaisement et la révision de cette logique répressive ?

Ou simplement une nouvelle étape dans une série judiciaire qui risque de miner la confiance dans la justice et d’étouffer la liberté de la presse ?

Une fin ouverte… et des questions suspendues

À l’approche de l’audience prochaine, les interrogations restent nombreuses :

  • Le tribunal adoptera-t-il une interprétation extensive de la notion de diffamation ?

  • Prendra-t-il en compte le statut de personnalité publique du plaignant, qui implique un seuil de tolérance plus élevé vis-à-vis de la critique ?

  • Et surtout : cette affaire sera-t-elle le point de départ d’un débat national sur les limites du pouvoir face à la presse, ou simplement un épisode de plus dans la judiciarisation de la parole libre ?

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