À l’occasion de l’ouverture du salon GITEX Africa – Maroc 2025 à Marrakech, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a de nouveau mis en avant l’ambition du Maroc de devenir un acteur majeur dans le domaine de l’intelligence artificielle. Une vision stratégique qui interpelle, mais qui soulève aussi des questions fondamentales sur la hiérarchie des priorités nationales, notamment dans un contexte marqué par des tensions économiques et sociales croissantes.
Akhannouch a affirmé que le Royaume plaide pour une intelligence artificielle éthique, inclusive et encadrée, qui respecte les droits humains et protège la confidentialité des données personnelles. Il a également insisté sur l’importance de la cybersécurité face à la recrudescence des cyberattaques, appelant à une réflexion collective pour renforcer la sécurité de nos systèmes d’information.
Toutefois, ce discours, bien que pertinent sur le plan technologique, semble en décalage avec les préoccupations quotidiennes des Marocains. Où est la sécurité alimentaire dans ce tableau ambitieux ? Comment parler de connectivité et de transformation numérique à des citoyens confrontés à la flambée des prix des produits de première nécessité ? Faut-il vraiment prioriser la 5G au moment où des villages entiers n’ont toujours pas accès à l’eau potable ou à des soins de santé de base ?
Le Maroc a lancé la stratégie nationale « Maroc Digital 2030 », axée sur la numérisation de l’administration et la création d’une économie numérique innovante. Mais cette vision reste partielle si elle n’est pas accompagnée d’une approche intégrée qui tienne compte de la justice territoriale et de l’égalité des chances dans l’accès aux services.
Le chef du gouvernement a également évoqué des partenariats avec des géants technologiques, des initiatives de financement pour les start-ups, et la formation de talents dans le domaine de l’IA. Or, dans un pays où le chômage des jeunes diplômés atteint des niveaux préoccupants et où l’école publique est en crise, ce genre de promesses peut vite sembler abstrait voire élitiste.
La technologie ne saurait être une fin en soi. Elle doit être un levier au service du progrès social. La souveraineté numérique n’a de sens que si elle s’accompagne d’une souveraineté alimentaire, sanitaire et éducative. Sans cela, l’intelligence artificielle risque de devenir un luxe réservé à une minorité, accentuant les fractures sociales au lieu de les réduire.
Akhannouch a également déclaré qu’il est temps pour l’Afrique de ne plus être un simple terrain d’expérimentation technologique, mais un acteur à part entière. Un objectif noble, mais qui nécessite des investissements massifs dans l’humain, dans l’infrastructure de base et dans un cadre politique cohérent.
Alors, le Maroc numérique, oui. Mais à condition qu’il ne laisse personne derrière. La véritable révolution numérique commence lorsque chaque citoyen en ressent les bénéfices dans son quotidien. En attendant, la question reste posée : et la sécurité alimentaire des Marocains, qui s’en soucie vraiment ?
L’intelligence artificielle peut changer le monde. Mais il faudra, pour cela, une intelligence politique capable d’écouter les priorités du peuple.