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Une formation de 3,62 millions de dirhams : quand le discours sur l’austérité s’évapore dans les marchés publics de la région de Souss-Massa

Dépenses dans un contexte de « rationalisation des dépenses »

Alors que le gouvernement a lancé le slogan « rationalisation des dépenses et austérité », en incitant les administrations et les institutions publiques à contrôler leurs budgets et à éviter les dépenses inutiles, des documents officiels révèlent que le Conseil régional de Souss-Massa, présidé par Karim Achankli, membre du parti du Premier ministre Aziz Akhannouch, a dépensé plus de 3,6 millions de dirhams (362 millions de centimes) au cours des années 2024 et 2025 pour une session de formation destinée aux élus locaux.

Marchés publics des collectivités territoriales : entre montants énormes et anomalies dans l’attribution

L’examen de certains marchés conclus par les collectivités territoriales au Maroc en 2025 révèle des dimensions controversées dépassant les montants alloués pour inclure les modalités d’attribution et de gestion. Ces marchés, censés respecter les principes de compétitivité et de transparence, soulèvent des questions légitimes sur le respect des critères d’efficacité et de bonne utilisation des fonds publics.

Selon les rapports officiels consultés par le journal, un contraste frappant apparaît dans certaines situations ; il ne s’agit pas seulement des montants élevés, mais aussi de la manière dont certains marchés ont été attribués à des entreprises spécifiques. Ainsi, pour le marché n°19/2025 relatif aux services d’accueil (repas et pauses café), le montant final était de 1.042.800 dirhams, attribué à la société AFNANE GLOBAL BUSINESS. Cependant, d’autres entreprises ont proposé des offres beaucoup moins élevées, dont la société PAIN-UNO avec 827.200 dirhams, soit un écart de plus de 200.000 dirhams, sans être choisie.

Débats sur les mécanismes d’attribution des marchés

Ce type de situation relance le débat ancien et actuel sur les mécanismes d’attribution des marchés publics et sur le respect des principes de bonne gouvernance. Lorsque des offres moins coûteuses sont écartées sans justification claire, cela génère des doutes sur les critères d’évaluation et sur la question de savoir si la décision reflète réellement l’intérêt général ou d’autres considérations non déclarées.

Impact sur la confiance

La gravité de ces anomalies ne réside pas seulement dans le volume des fonds dépensés, mais aussi dans leur impact direct sur la confiance dans les institutions locales. Les fonds publics doivent être gérés selon des critères d’efficacité et de performance, et non selon des compromis ou des choix obscurs. La persistance de telles pratiques, même à petite échelle, peut renforcer le sentiment des citoyens que le principe d’égalité des chances dans la gestion des affaires publiques reste loin d’être pleinement respecté.

Qui est affecté ?

Le montant dépensé équivaut au coût de petits projets sociaux et de développement dans des zones manquant d’infrastructures et de services de santé et d’éducation. Les habitants des périphéries de Souss-Massa continuent de faire face à un déficit d’hôpitaux, de routes et d’installations sociales, tandis que des millions de dirhams sont consacrés à l’hébergement et à la restauration des élus lors d’une formation dont l’impact sur leur performance reste non démontré.

Qui en bénéficie ?

Les bénéficiaires directs sont les entreprises du secteur privé :

  • AVAST INSTITUT (725.280 dirhams) pour l’organisation de la formation.

  • AFNANE GLOBAL BUSINESS (1.042.800 dirhams) pour les repas et les pauses café.

  • ADV MAROC (285.062 dirhams) pour le transport.

  • LABEL TOURS (1.574.100 dirhams) pour l’hébergement hôtelier.

Cependant, l’examen des documents d’offres montre que certaines entreprises proposaient des prix beaucoup plus bas, comme pour le marché d’accueil (827.200 contre 1.042.800 dirhams) et le marché de transport (245.067 contre 285.062 dirhams). Malgré cela, le choix n’a pas été fait sur l’offre la moins chère, mais sur ce que le comité a jugé « l’offre la plus appropriée », une expression technique ambiguë laissant place à l’interprétation.

Contexte politique et opacité dans l’exécution

Les dépenses importantes pour ces formations suscitent plusieurs questions sur les priorités de la dépense publique :

  • Pourquoi des millions de dirhams sont-ils consacrés à l’hébergement, aux repas et au transport alors que les budgets des secteurs sociaux sont réduits ?

  • Quels critères le comité de marché a-t-il réellement utilisés pour écarter les offres les moins chères ?

  • Où sont les indicateurs de mesure de l’impact et de la rentabilité justifiant ces coûts ?

L’absence de réponses précises reflète un problème plus profond lié au manque de transparence et de reddition de comptes dans la gestion des fonds publics.

Gouvernance : entre discours et pratique

Le Roi Mohammed VI avait décrit en 2019 la région de Souss-Massa comme le « vrai centre du Royaume », s’interrogeant sur le bien-fondé de la privation de certaines infrastructures essentielles. Ce qui se passe aujourd’hui montre que cette recommandation royale n’a pas encore été traduite en priorité pratique. L’argent est dépensé généreusement pour des « formations hôtelières », tandis que les habitants vivent avec un déficit dans les projets vitaux.

Conclusion

L’affaire des marchés de formation dans la région de Souss-Massa n’est pas simplement une question de chiffres élevés, mais un miroir d’un dysfonctionnement structurel dans la gestion des fonds publics :

  • Discours officiel sur l’austérité contre pratiques sur le terrain élargissant le champ des dépenses improductives.

  • Marchés publics supposés être compétitifs et transparents, mais attribués selon des critères flous.

  • Des citoyens attendant l’amélioration de leurs conditions de vie, tandis que les fonds publics disparaissent dans des activités superficielles.

C’est une illustration miniature du dilemme de la gouvernance au Maroc : entre ce qui est annoncé et ce qui est exécuté, et entre ceux qui paient le prix et ceux qui récoltent les bénéfices.

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