Dans un silence officiel et des dossiers tenus à l’écart du regard public, des rapports confidentiels de la Cour des comptes dévoilent un réseau de violations financières saisissantes dans certaines grandes régions du Maroc. Il semble que certaines collectivités locales soient devenues le terrain de jeu d’intérêts privés et d’activités commerciales douteuses. Casablanca-Settat, Marrakech-Safi et Fès-Meknès : trois régions dont les histoires se ressemblent presque toutes : des contrats publics attribués à des sociétés fictives ou à des entreprises créées par les enfants et conjoints d’élus pour contourner la loi.
Sociétés fictives : entre signatures doublées et transferts suspects
Des sources informées confirment que les magistrats chargés de la Cour des comptes ont relevé, lors des inspections, des transactions financières hautement suspectes. Les signatures des gérants se superposent à celles des propriétaires originels, et des transferts bancaires sont enregistrés en violation des lois en vigueur, notamment dans les relations entre banques et entreprises.
Rapport condensé : Dans une commune de la région de Casablanca, il a été constaté qu’une seule entreprise avait obtenu plusieurs contrats consécutifs, malgré l’absence des critères minimaux de personnalité juridique, tandis que le président du conseil supervisait la création de sociétés au nom de ses enfants et conjoints pour contourner les règles de conflit d’intérêts.
Ignorer la qualification légale : une voie ouverte aux sociétés fictives
Les rapports révèlent que certaines collectivités ont fermé les yeux sur l’obligation de présenter le certificat de qualification, imposé par le service des finances locales, permettant ainsi à des entreprises dépourvues de garanties légales de participer à des marchés sensibles. Des projets structurels majeurs, inscrits dans le cadre du plan stratégique de développement intégré et durable, comme la réhabilitation des réseaux routiers, sont devenus l’objet de doutes sur la transparence de leur exécution.
Rapport condensé : Une commune de la région Marrakech-Safi a conclu des contrats de plusieurs millions de dirhams avec des entreprises incapables de prouver leurs compétences techniques, tandis que d’autres marchés ont été refusés en raison de coûts disproportionnés par rapport aux services rendus.
Budgets sous tension : des dépenses faramineuses en temps d’austérité
Les rapports soulèvent des interrogations sur des dépassements dans les dépenses de fonctionnement et d’équipement, les marchés d’études, l’achat de matériel, les factures de carburant, l’entretien des garages, les services de télécommunications, d’eau et d’électricité, ainsi que les contrats de propreté, alors que le ministère de l’Intérieur avait appelé à la rigueur budgétaire et à prioriser les dépenses obligatoires telles que les salaires, les factures d’eau et d’électricité, les loyers et les remboursements de prêts.
Rapport condensé : Une commune de la région Fès-Meknès a consacré des millions de dirhams à la réparation de véhicules et d’équipements alors que les projets d’infrastructure de base prenaient du retard depuis des années.
Conflit d’intérêts : la loi est claire, mais est-elle appliquée ?
Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, a adressé une circulaire aux walis et gouverneurs pour activer la procédure de révocation en cas de « conflit d’intérêts ». L’article 65 de la loi organique 113.14 est explicite : aucun membre du conseil communal ne doit lier ses intérêts personnels à la commune ou aux sociétés de développement affiliées, ni participer à des marchés de travaux, fournitures ou services.
Pourtant, la réalité pose une question brûlante : si la loi est claire, pourquoi ces dépassements persistent-ils ? Faiblesse du contrôle, absence de volonté politique, ou la partie financière et politique est-elle plus puissante que toute législation ?
Questions ouvertes : qui osera la reddition des comptes ?
Les rapports sont prêts, les fichiers des irrégularités enregistrés, mais le citoyen ordinaire reste face à une dure réalité : peut-on faire confiance au processus de développement local dans ces réseaux douteux ? Les autorités agiront-elles réellement pour tenir les responsables de ces dépassements pour compte ?
Le contrôle légal existe, mais la capacité à le faire respecter et à garantir l’intégrité des marchés publics reste fortement incertaine. Dans ce contexte, la question ultime demeure : qui mettra fin à ces pratiques avant que les lois ne deviennent de simples lettres mortes ?