À un moment où la clarté de la vision et l’audace des décisions sont de mise, la Confédération marocaine des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) a choisi de placer le ministère de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences devant un miroir franc, non dénué de sévérité : Où en sommes-nous après quatre ans ?
Quatre questions seulement, mais qui résument la colère de milliers de petites entreprises souffrant en silence, et qui interrogent avec insistance l’avenir des politiques publiques dans un dossier aussi sensible sur les plans économique et social.
Une voix hors du Parlement… mais issue du cœur du tissu entrepreneurial
Bien qu’absente des institutions représentatives, la Confédération démontre qu’elle n’est pas un acteur marginal, mais bien un corps intermédiaire actif qui observe, alerte et propose. Dans un communiqué publié à l’occasion de la Journée mondiale des petites entreprises, elle adresse un message politique fort au ministre Younes Sekkouri, à travers des questions écrites qui résument le bilan par un mot : “diagnostic sans solutions”.
La seule et unique rencontre entre les deux parties – tenue au début du mandat ministériel – n’a, selon le communiqué, abouti à aucun accord ni coopération. Le ministre y est décrit comme manquant de compréhension concrète des réalités vécues par les petites entreprises, et dénué de tout plan opérationnel pour y remédier.
Quatre questions… et l’absence de réponse politique
Les questions posées par la Confédération ne sont pas seulement techniques ou revendicatives. Elles s’inscrivent dans une démarche de redevabilité publique légitime :
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Après quatre années de diagnostic… où sont les solutions, Monsieur le Ministre de la Petite Entreprise ?
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Votre mission se limite-t-elle à énoncer des chiffres reflétant la situation dramatique des petites entreprises ?
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Le rôle de votre ministère se réduit-il à identifier les problèmes sans proposer de solutions concrètes ?
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Qu’avez-vous accompli durant toutes ces années pour améliorer la situation de ce secteur, malgré les budgets alloués et les ressources humaines mobilisées ?
Ces interrogations, bien que dures dans le ton, restent justifiées sur les plans éthique et professionnel, d’autant plus qu’elles émanent d’un acteur ancré dans le terrain et confronté aux réalités quotidiennes.
Lecture des chiffres… une faillite en hausse alarmante
Selon les données avancées par la Confédération, le nombre de faillites d’entreprises a connu une hausse spectaculaire :
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10 000 faillites en 2019
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25 000 en 2022
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33 000 en 2023
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40 000 jusqu’à présent en 2024
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Une projection de 50 000 faillites d’ici la fin de l’année
La Confédération affirme que ces chiffres, bien plus graves que les données officielles, ne se reflètent pas dans les analyses du ministère, qui préfère s’appuyer sur des études étrangères – comme celle de la Banque africaine – au lieu de produire des lectures adaptées à la réalité locale. Elle en identifie plusieurs causes : difficulté d’accès au financement, arrêt des programmes “Intelaka” et “Forsa”, non-application du quota de 20 % des marchés publics au profit des TPME, retards de paiement, et lourdes charges fiscales et sociales.
Entre absence d’interaction… et accumulation de frustration
Chaque année, la Confédération publie un communiqué proposant des solutions pratiques basées sur des réalités concrètes. Pourtant, selon elle, le ministère reste silencieux, préférant se référer à des cabinets de conseil ou à des rapports théoriques, plutôt que d’initier un dialogue structuré avec les représentants légitimes de ce tissu économique fragile.
Cette posture, selon de nombreux observateurs, soulève une question fondamentale : le secteur des petites entreprises a-t-il été écarté des priorités gouvernementales ?
Qui représente vraiment le secteur privé au Parlement ?
Un des points marquants du communiqué réside dans la critique adressée aux membres de la Chambre des conseillers représentant le secteur privé. Ils sont accusés de défendre exclusivement les intérêts des grandes entreprises, ignorant les souffrances du tissu entrepreneurial modeste. Une remarque qui ouvre un débat plus large sur la justice représentative au sein de la deuxième chambre, et sur l’efficacité de la médiation institutionnelle lorsqu’elle est perçue comme élitiste ou sélective.
Conclusion ouverte : le ministre peut-il redresser le cap avant la fin du mandat ?
Les quatre questions formulées par la Confédération ne se résument pas à un simple constat d’échec. Elles constituent un signal d’alerte précoce face à ce qui pourrait devenir une crise structurelle, si l’inaction persiste. Le ministre Younes Sekkouri, investi dans un gouvernement qui avait placé l’emploi et l’entrepreneuriat au centre de son programme, est désormais interpellé pour transformer le diagnostic en actes, les rapports en plans concrets, et les rencontres formelles en partenariats solides.
Alors, le ministre répondra-t-il à cet appel ?
Le gouvernement agira-t-il pour sauver ce qui reste d’un tissu économique au bord de l’effondrement ?
Ou bien le temps politique restant ne suffira-t-il pas à réparer ce qui a été négligé ?