Alors que la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Berrechid a décidé de reporter l’examen du dossier du jeune homme accusé d’avoir percuté la petite Ghaïta sur la plage de Sidi Rahal, l’affaire prend des dimensions bien plus larges qu’un simple accident. Entre perceptions populaires, tensions sociales et symbolique judiciaire, le procès devient le miroir d’un malaise plus profond.
Le report de l’audience, pour permettre aux parties de mieux préparer leur défense, intervient dans un climat où les réseaux sociaux et les médias ont rapidement étiqueté l’accusé comme un « fils à papa », bénéficiant de privilèges. Un terme chargé de colère sociale, mais aussi d’un imaginaire collectif marqué par les inégalités présumées devant la justice.
Entre réalité judiciaire et perceptions sociales : un procès sous haute tension médiatique
L’avocat de la défense, Me Hicham El Marsli, s’est empressé de réfuter l’étiquette de « fils de riche », affirmant que son client est issu d’un « milieu modeste », et que posséder une voiture ou un jet ski ne signifie pas forcément appartenir à l’élite fortunée.
Mais cette déclaration pose une question centrale : Le Maroc souffre-t-il aujourd’hui d’un déficit de confiance dans la justice lorsqu’elle traite des affaires impliquant des citoyens perçus comme privilégiés ?
« Fils à papa » : une expression populaire devenue symbole de fracture sociale
Ce terme, désormais courant dans l’espace public marocain, ne décrit pas seulement une richesse matérielle, mais désigne ceux que l’on croit intouchables. Il incarne un sentiment d’impunité et une justice à deux vitesses.
Peut-on alors juger équitablement dans un contexte où la présomption d’injustice prévaut dans l’opinion publique ?
La justice face à l’exigence de neutralité : un équilibre délicat
Le refus du ministère public d’accorder la liberté provisoire à l’accusé peut être lu comme un acte de prudence judiciaire. Il s’agit peut-être de rassurer une opinion publique en alerte, mais aussi d’éviter tout soupçon de favoritisme.
La justice marocaine est-elle capable de démontrer son impartialité sans céder à la pression sociale ?
Et la victime dans tout cela ? Où est passée Ghaïta ?
Alors que les débats se focalisent sur le profil de l’accusé, la figure de la victime semble s’estomper. Pourtant, la question des droits de l’enfant et de la réparation morale et physique devrait rester au cœur des préoccupations.
La compassion affichée de l’avocat pour la fillette peut-elle suffire à balancer les faits ? La bonne volonté du prévenu, qui aurait transporté Ghaïta à la clinique, doit-elle peser sur l’appréciation judiciaire ?
Une affaire emblématique : reflet des inégalités perçues dans l’accès à la justice
Les rapports nationaux et internationaux (Banque mondiale, Human Rights Watch, CNDH…) soulignent régulièrement que la transparence et l’égalité devant la loi restent des défis majeurs dans les pays en développement.
Cette affaire en est-elle une illustration ? Le Maroc a-t-il besoin d’une réforme de sa gouvernance judiciaire pour renforcer la confiance du citoyen ?
Conclusion : une justice à l’épreuve de la société
L’affaire Ghaïta dépasse le cadre du procès. Elle soulève des interrogations sur l’équité, la symbolique du pouvoir, et la capacité du système judiciaire à réconcilier justice formelle et justice perçue.
Peut-elle devenir un tournant vers une réforme plus profonde de la justice sociale au Maroc ? Ou restera-t-elle un épisode de plus dans la chronique d’une défiance grandissante envers les institutions ?