L’annonce de l’existence de Marocains dont la fortune dépasse le million de dollars n’étonne plus. La nouveauté aujourd’hui, c’est que leur nombre a bondi à 7 500 millionnaires, plaçant le Maroc au troisième rang africain, derrière l’Afrique du Sud et l’Égypte.
Mais derrière cette brillance statistique se cachent des questions lourdes : d’où proviennent ces fortunes ? Dans quels secteurs se sont-elles accumulées ? Et surtout, qu’ont-elles apporté à la vie de millions de Marocains confrontés chaque jour au chômage et à la cherté de la vie ?
Une richesse qui s’élargit… et un fossé qui s’approfondit
Le rapport African Wealth 2025 trace une image frappante : le Maroc fait partie des rares pays africains ayant enregistré une forte croissance du nombre de riches (+40 % en une décennie).
Cependant, cette évolution s’accompagne d’une contradiction sociale évidente :
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7 500 millionnaires accumulent des fortunes.
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Des millions de citoyens survivent avec un revenu quotidien inférieur à 50 dirhams.
Sommes-nous face à une véritable réussite économique, ou devant la manifestation d’une économie à deux vitesses : une élite évoluant dans ses tours de verre, et une majorité coincée dans la précarité ?
Production ou rente ?
Le rapport évoque certaines sources de richesse : l’immobilier et le tourisme, le secteur financier, les investissements étrangers. Mais il ne répond pas à la question centrale qui hante l’opinion publique marocaine :
Ces fortunes sont-elles issues d’une véritable productivité économique, ou bien d’un système d’exclusivités, de contrats publics et de rentes qui se reproduisent ?
Quatre milliardaires… et une classe moyenne absente
Le Maroc compte aujourd’hui 35 personnes dont la fortune dépasse les 100 millions de dollars, parmi lesquelles quatre milliardaires.
Or, ce constat s’accompagne non pas d’un renforcement de la classe moyenne, mais plutôt d’une érosion de son pouvoir d’achat.
Si la richesse se concentre entre quelques mains, comment pourrait-elle avoir un impact positif sur les millions de jeunes en quête d’emploi ou sur les familles qui luttent contre l’envolée des prix ?
Un havre pour les riches… mais jusqu’à quand ?
Marrakech, Casablanca et Rabat sont devenues des destinations privilégiées pour les investisseurs et les riches africains ou étrangers. C’est un atout qui reflète l’image du Maroc comme pays stable et attractif.
Mais l’enjeu réel n’est pas seulement d’attirer la richesse, mais de l’orienter vers la création d’emplois et le développement local. Sinon, le Maroc risque de n’être perçu que comme une “station balnéaire de luxe” pour fortunés, et non comme une économie équilibrée capable de réduire les inégalités sociales.
Conclusion : entre chiffres et interrogations
Le fait que le Maroc abrite 7 500 millionnaires est indéniablement un exploit statistique. Mais il reste incomplet tant qu’il ne se traduit pas en moteur de développement.
Le véritable défi n’est pas de compter les fortunes, mais de garantir que 37 millions de Marocains sentent qu’une partie de cette richesse contribue à l’éducation de leurs enfants, à la santé de leurs familles et aux opportunités de leur avenir.
Le chiffre seul ne suffit pas… La question demeure : assistons-nous à une richesse qui construit le développement, ou à des écarts qui creusent le fossé ?