Dans une question écrite adressée à la ministre du Tourisme, de l’Artisanat, de l’Économie Sociale et Solidaire, le groupe parlementaire du Parti de la Justice et du Développement (PJD) interroge le gouvernement sur les détails du programme “Client Mystère”, géré par la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique (SMIT), pour un coût avoisinant 14,7 millions de dirhams (147 millions de dirhams), visant à évaluer la qualité des services dans les établissements d’hébergement touristique via des visites surprises effectuées par des « clients infiltrés ».
Contexte du programme et modalités
Selon des sources médiatiques, le programme a pour objectif de vérifier le respect par les établissements hôteliers des normes requises. Les marchés publics sont divisés en quatre segments :
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Évaluation des hôtels de luxe et 5 étoiles : 48,4 millions de dirhams
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Hôtels 4 étoiles dans la région Marrakech-Safi : 50,3 millions de dirhams
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Hôtels 4 étoiles à l’échelle nationale : 28,8 millions de dirhams
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Hôtels 3 étoiles : 20,3 millions de dirhams
Le programme inclut également les auberges touristiques, les riad, les palaces, etc. Il prévoit une classification valable 7 ans, renouvelable après évaluation légale, avec possibilité de retirer ou de modifier le classement en cas de non-conformité.
Contexte économique : un secteur florissant qui interroge sur la rentabilité
En 2024, le Maroc a accueilli 17,4 millions de touristes, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2023 et de 35 % par rapport à 2019. Les revenus touristiques ont dépassé 110 milliards de dirhams, témoignant de l’importance économique du secteur.
Le secteur génère environ 827 000 emplois directs et bénéficie de programmes comme Cap Hospitality, avec la rénovation de 25 000 chambres pour un investissement estimé à 2 milliards de dirhams.
Questions essentielles sur la gouvernance et la dépense stratégique
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Transparence des marchés et détails du contrat
La députée Salwa Berdaï s’interroge sur l’absence de détails précis : qui est l’exécutant ? Quelle est la nature exacte des services demandés ? Pourquoi ce montant ? Des appels d’offres ouverts ont-ils été organisés ? Le projet a-t-il été soumis aux organes de contrôle compétents ? -
Le programme produit-il un impact réel ?
Dépenses de 147 millions de dirhams pour l’évaluation de la qualité doivent se traduire par des résultats concrets : amélioration des services, diminution des plaintes, hausse du niveau de satisfaction. Sans indicateurs clairs, le programme risque de rester symbolique plutôt que réformateur. -
Équilibre entre apparence et fond
Alors que de nombreux acteurs touristiques soulignent la nécessité de réformes structurelles (modernisation des infrastructures, diversification des marchés, renforcement de la formation professionnelle), la question demeure : le programme “Client Mystère” est-il simplement un vernis marketing, ou un outil réel de développement durable du secteur ?
Lien avec la gouvernance : contrôle et équité institutionnelle
Avec des plans gouvernementaux ambitieux et des budgets colossaux, le Maroc vise 26 millions de touristes d’ici 2030. Dans ce contexte, le programme “Client Mystère” doit s’inscrire dans une stratégie claire de rehaussement de la qualité, et non comme un simple outil de communication ou de promotion.
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Responsabilité politique et légale : il est crucial que le programme fasse l’objet de contrôle parlementaire, que le cahier des charges, les évaluations publiques et la supervision financière soient correctement établis.
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Justice dans la dépense : si l’objectif est d’améliorer la qualité à coût raisonnable, pourquoi ne pas investir une partie du budget dans la formation des équipes, le soutien à l’artisanat au sein des établissements, ou la numérisation des services ?
Conclusion de l’enquête
Le programme “Client Mystère”, malgré des objectifs clairs visant à améliorer la qualité d’un secteur clé pour l’économie nationale, souffre de doutes sur le gaspillage financier et l’absence d’une vision globale de réforme. Une dépense de cette ampleur—dans un contexte de développement ambitieux—nécessite transparence totale et reddition de comptes : détails des marchés, mécanismes d’évaluation, rapports de performance. Sans cela, son efficacité risque de se limiter à un coup de communication, plutôt qu’à un véritable pas vers un développement concret et fiable du tourisme marocain.