La décision du ministère de l’Enseignement supérieur d’adopter la sélection sur dossier au lieu des concours pour l’accès au Master a suscité un large débat au sein des milieux universitaires marocains. Publiée dans le Journal officiel n° 7430 le 14 août 2025, la décision vise – selon le ministère – à renforcer la transparence et à élargir la base du mérite. Toutefois, les avis sont rapidement partagés entre partisans, qui y voient un moyen de tarir les sources de corruption, et opposants, qui la considèrent comme une nouvelle recette pour reproduire l’injustice.
Entre égalité formelle et justice absente
Plusieurs enseignants universitaires ont salué la décision, estimant que les concours étaient souvent sources de soupçons. En revanche, d’autres chercheurs estiment que se baser uniquement sur les notes ne garantit pas la justice, en raison des différences dans les systèmes de notation entre les facultés : tandis qu’un étudiant obtient facilement une moyenne de 15/20 dans une faculté, un autre n’atteint que 12/20 malgré un effort équivalent.
Le pas du Master suffit-il ?
Si la nouvelle mesure promet de simplifier le parcours du Master, le problème majeur reste le doctorat. Les enseignants évoquent une zone grise qui, depuis des décennies, fait l’objet de plaintes concernant la sélection, la composition des jurys, les conflits d’intérêts et la difficulté d’accéder à ce cycle sans “relations académiques” ou “affiliations” à certains laboratoires. Bien que les nouveaux cahiers des charges pour le doctorat mentionnent des formations obligatoires et un contrôle des délais et de la qualité, le mécanisme d’accès demeure sujet à des questions essentielles.
Questions en suspens
- Comment unifier les critères de sélection entre les différentes universités ?
- Une plateforme nationale unifiée garantira-t-elle la transparence et la justice dans l’acceptation des dossiers de doctorat ?
- Quelles garanties réelles contre les conflits d’intérêts au sein des jurys ?
- Les étudiants auront-ils un droit réel de recours avec des délais clairs ?
Réforme différée ou début de transformation ?
La suppression des examens du Master peut constituer une avancée vers la réforme du système universitaire, mais elle reste incomplète si elle ne s’étend pas au doctorat, où se manifeste le véritable test de justice académique. La réforme ne se mesure pas aux slogans, mais à la capacité du système à transformer la transparence en pratique quotidienne : critères clairs, procès-verbaux publiés, données ouvertes et droit réel de recours.
Doctorat : l’exception résistante au changement
La situation est totalement différente pour le doctorat. Les conditions d’accès restent floues dans de nombreuses universités et reposent davantage sur les relations personnelles que sur la concurrence académique. Le nombre de places est très limité par rapport à la demande croissante, tandis que les critères de sélection restent centrés sur le « réseau » et la « protection » plutôt que sur la compétence scientifique. Le résultat : un sentiment croissant de frustration chez les étudiants et des accusations selon lesquelles le doctorat est devenu un « privilège gardé » plutôt qu’un mérite académique.
Entre recette de réforme et reproduction de la corruption
La question qui se pose aujourd’hui : les réformes du Master sont-elles seulement une façade pour embellir l’image ? Le doctorat restera-t-il un domaine fermé accessible uniquement à ceux qui possèdent des clés non académiques ? La crainte majeure est que les efforts de réforme deviennent une simple « recette pour reproduire la corruption » au lieu d’éradiquer ses racines.
🔹 Informations complémentaires
Ce qui a changé au Master :
- Adoption d’une plateforme numérique unifiée pour les candidatures.
- Réduction de l’influence des relations directes dans la sélection.
- Premiers signes de transparence, même relatifs.
Ce qui n’a pas encore changé au doctorat :
- Maintien de la domination des critères non annoncés.
- Influence des relations personnelles sur la compétence.
- Limitation des places sans vision réformatrice claire.
Question ouverte
La question demeure : le ministère de l’Enseignement supérieur pourra-t-il étendre ses réformes au-delà du Master pour toucher également le doctorat, ou ce sera-t-il une « ligne rouge » protégée par des réseaux d’intérêts au sein de l’université ?
Conclusion professionnelle
La décision ouvre la voie à un large débat sur la justice dans l’enseignement supérieur, mais soulève également des doutes sur sa mise en œuvre. Tant que la “zone grise” du doctorat ne sera pas traitée, l’université restera prise entre le désir de réforme et une réalité qui reproduit les anciens